Madagascar : évolution des découvertes et de la réalité archéologique
vue générale de la salle d'où proviennent les ossements d'hippopotame dans la grotte d'Anjohibe.
" On a longtemps considéré – faute de trouvailles archéologiques significatives – que Madagascar n’avait pas été occupée avant la fin du premier millénaire après J.-C., c’est-à-dire à une époque très récente. Quand ils commencèrent à s’intéresser de manière scientifique aux populations et à l’histoire de l’île, les Européens constatèrent rapidement que les langues pratiquées dans la grande île appartenaient au rameau indonésien de la famille malayo-polynésienne, ce qui semblait signifier une origine orientale du peuplement, mais cette constatation apparaissait en contradiction avec les caractéristiques anthropologiques à dominante nettement africaine de la plupart des populations indigènes, les traits indonésiens s’étant en revanche maintenus très nettement chez les Mérina et les Betsileo du nord, notamment dans les castes aristocratiques. La reconstitution des périodes obscures de l’histoire malgache se révélait alors particulièrement difficile mais les découvertes archéologiques effectuées au cours des trois dernières décennies sur la côte orientale de l’Afrique, à Zanzibar, dans l’archipel des Comores et dans le nord de Madagascar ont permis d’élargir les horizons de la recherche ; la relecture des textes anciens tels que le célèbre Périple de la Mer Erythrée contemporain du Ier siècle après J.-C., la Géographie de Ptolémée qui date du IIe siècle ou les ouvrages des auteurs arabes – notamment Idrisi qui vécut au XIIe siècle – a permis, en l’absence de sources perses sassanides ou indiennes qui auraient pourtant été précieuses, de faire avancer notre connaissance de l’apparition des hommes dans la grande île de l’océan Indien. Les expéditions maritimes de Tim Severin et de Bill Mac Grath – qui ont respectivement suivi, à bord du Sohar et du Sarimanok, les deux itinéraires qu’ont pu emprunter les immigrants austronésiens, l’un par le nord de l’océan Indien, l’autre par la voie directe reliant Bali à Madagascar – ont permis de reconstituer les conditions des migrations maritimes qui semblent s’être poursuivies assez régulièrement jusque vers le XIIIe siècle, c’est-à-dire jusqu’à l’époque marquée par la fin de l’Empire indonésien de Srivijaya. Peut-être désignée sous le nom de Menouthias dans le Périple de la Mer Erythrée, ou faisant partie de l’ensemble Kmr d’Idrisi – qui comprenait également les Comores ainsi que Zanzibar et Pemba – Madagascar a dû accueillir ses premiers occupants au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne, les plateaux n’étant abordés que vers les Ve-VIIe siècles. C’est durant ces longues périodes que semble s’être opérée la prise de contact entre des populations africaines d’origine bantoue et les immigrants austronésiens venus de l’est. Les études réalisées dans les années soixante par Pierre Vérin dans le nord de Madagascar, sur les sites d’Irodo (IXe siècle) et de Mahilaka (XIIe siècle), les fouilles effectuées à Mayotte, l’île la plus orientale des Comores, notamment sur les sites de Bagamoyo et de Dembeni, et sur la côte africaine à hauteur de Kilwa conduisent à penser qu’une culture commune s’étendit du IXe au XIIIe siècle du sud de la Somalie au Mozambique en incluant les Comores et sans doute le nord de Madagascar dont les habitants trafiquaient avec ceux de l’archipel voisin où ils allaient peut-être, si l’on en croit les auteurs arabes, chercher d’importantes quantités d’esclaves. Réalisées sur une distance de 6 000 km (les langues malgaches sont très proches de celles du sud de Bornéo), les migrations maritimes en provenance de l’archipel indonésien ne purent s’effectuer qu’à bord de grands vaisseaux dont on sait maintenant que les gens de Sumatra savaient les construire à l’époque de l’empire de Srivijaya. Ces migrations et l’installation qui suivit à Madagascar demeurent encore très difficiles à reconstituer dans la mesure où les cultures austronésiennes étaient des civilisations du végétal – y compris pour la fabrication des récipients de bambou – et n’ont de ce fait laissé, pour ces périodes très anciennes, que très peu de traces identifiables susceptibles d’être exploitées par les archéologues, si l’on excepte les marmites de chloritoschite découvertes sur le site de Vohémar, sur la côte nord-est de Madagascar, qui sont très proches d’objets analogues découverts à Dembeni (aux Comores) et sur la côte africaine.
La question des étapes du peuplement de Madagascar a fait l’objet de vifs débats dès la fin du XIXe siècle, au moment où Alfred Grandidier rassemblait les informations nécessaires à la réalisation des grands ouvrages qu’il consacra à l’histoire et à la géographie de l’île. Selon lui, les populations noires de l’île étaient d’origine mélanésienne et auraient vu arriver ensuite des Javanais, ancêtres des Mérina, les apports africains et musulmans étant plus tardifs. Gabriel Ferrand privilégiait à l’inverse la thèse de l’origine africaine des populations installées avant l’arrivée des ancêtres indonésiens des Mérina. Hubert Deschamps pensait qu’un métissage s’était produit vers le milieu du premier millénaire entre des Indonésiens venus par le nord de l’océan Indien et des populations est-africaines. Les populations proto-malgaches ainsi formées auraient été rejointes ultérieurement par de nouveaux immigrants indonésiens et par des Africains importés comme esclaves par le relais des Comores. Il faut ajouter à ces diverses hypothèses celle relative aux Vazimba, premiers occupants plus ou moins mythiques de l’île, que l’ethnologue Jean Poirier a supposé être parents des populations bushmanoïdes d’Afrique australe… Les premiers Paléoindonésiens – sans doute métissés d’éléments africains – pratiquaient la navigation et la pêche ainsi que la culture sur brûlis, selon des méthodes identifiées chez certaines populations de Bornéo. "
Extraits de http://www.clio.fr/CHRONOLOGIE/chronologie_madagascar_le_temps_des_origines_installation_et_formation_des_peuples_malgaches.asp
" Les fouilles archéologiques dans le nord de Madagascar durant la première moitié du xxe siècle ont révélé la présence d’une civilisation ancienne prospère connue sous le nom de civilisation Rasikajy. On sait peu de choses sur leur origine, comment et quand ils sont arrivés à Madagascar. La preuve la plus évidente de la civilisation Rasikajy provient des fouilles de la nécropole de Vohéar, située le long de la côte nord-est, où plus de 600 tombes contenant des objets extraordinaires ont été découvertes dans les années 1940.
Les vestiges relevés dans ces tombes comprenaient, entre autres, des céramique chinoises, de l’argenterie et des bijous en or, des armes de fer, verrerie, miroirs en bronze et des objets en chloritoschiste. Des objets tardifs ont été fabriqués à partir de schiste à chlorite exploité dans les carrières dans le nord-est de Madagascar et il est prouvé que les bijoux et les objets en fer ont été également produits par les Rasikajy à partir des matières premières disponibles localement. Des objets en chloritoschiste ont non seulement été trouvés dans les sites côtiers de Madagascar mais aussi aux Comores et en Afrique orientale, suggérant une participation active des Rasikajy dans le commerce de l’océan Indien occidental.
Notre réévaluation de la littérature publiée sur les sites archéologiques dans le nord de Madagascar indique que la majorité des céramiques chinoises trouvées dans les tombes de Vohémar sont à dater du xve siècle et de la première moitié du xvie siècle, avec quelques objets datant du xive siècle ou encore plus tôt. Notre analyse comparative des objets de la sépulture de Vohémar montre que la production des marmites tripodes en chloritoschiste présente des ressemblances remarquables avec les anciennes vaisselles rituelles tripodes en bronze des Chinois. Les objets relevés dans les tombes et leurs positions par rapport au corps indiquent que les Rasikajy pratiquaient des rites funéraires semblables à ceux effectués dans le passé en Chine. Notre réévaluation de la littérature suggère que des communautés ayant des racines chinoises étaient présentes dans le nord de Madagascar avant l’arrivée des premiers Européens en 1500 et ont participé au réseau de commerce de l’océan Indien.
La disparition de la civilisation Rasikajy semble avoir eu lieu dans la seconde moitié du xvie siècle lorsque la production d’objets en chloritochiste a cessé. On ignore encore pourquoi cela s’est produit. "
Source : http://oceanindien.revues.org/1221
" En plus de ses études d'histoire, d'ethnographie et de l'environnement, Grandidier a également déterré des restes de fossiles d'animaux éteints. Des os, déterrés pour le Musée d'Histoire Naturelle à Paris, avaient des traces de découpes par des outils de fer sur eux, et ils ont récemment été confirmés et datés par des techniques d'accélération à l'approche du premier siècle. Malgré que d'occasionnelles annonces mentionnent des outils de pierre, il n'existe aucune étude d'industries de la pierre du Paléolithique comme ceux de l'Afrique toute proche. Le plus ancien site daté par radiocarbone (728-764 Après JC) est un abri sous roche, dans l'extrême nord de l'île, le niveau le plus bas qui contient des traces d'occupation humaine. De nouvelles méthodes de recherche, en particulier les études paléoécologiques des sédiments lacustres, indiquent que le premier impact approfondi de l'homme sur la végétation se trouve dans les sédiments datés d'environ 1.500 à 2.000 ans. " (confirmant l'hypothèse d'une première colonisation vers l'an 0 de notre ère).
Extrait : http://fr.questmachine.org/wiki/Madagascar
" Ces dernières années, d’importantes découvertes archéologiques obtenues au Nord de Madagascar par l’équipe du professeur Dewar (décédé cette année 2013) ont permis de faire remonter au deuxième, voire troisième millénaire avant notre ère l’occupation humaine à Madagascar. Ces découvertes qui aujourd’hui permettent d’entrevoir l’existence d’un mode de vie de chasseurs-cueilleurs ayant précédé pendant plusieurs millénaires les premières communautés agricoles posent en corolaire la question d’un peuplement de l’archipel des Comores à ces hautes époques, cet archipel étant la voie de passage privilégiée pour atteindre la Grande Île depuis la côte africaine.
L’abri sous roche de Lakaton’i Anja dans les gorges d’Andavakoera (région d’Antsiranana /Diego-Suarez) avait déjà permis dans les années 1980, de mettre en évidence des niveaux archéologiques datés du IIIe/VIe siècle après J-C, faisant de cet abri sous roche le plus ancien site archéologique de Madagascar. Une nouvelle campagne de fouille menée en 2011 par cette équipe (Dewar 2013) a mis en évidence sous les niveaux d’occupation médiévale (11e-14e siècles), un niveau archéologique présentant de l’outillage lithique daté de 1460/2370 avant J-C. par analyse RC14 de charbons associés. Sans que le hiatus dans la chronologie entre ces deux phases d’occupation soit expliqué, cette nouvelle datation repousse de plusieurs millénaires l’occupation humaine à Madagascar. Une autre campagne de fouille à Ambohiposa, également sur un abri-sous roche proche de Iharana (Vohémar) a également prouvé l’usage d’outils lithiques en obsidienne pour une occupation datée autour de l’An Mil.
Dewar: 2013, outillage lithique de Lakaton'i Anja
" Ces découvertes, qui complètent celles en 2010 faites par l’équipe de Gommery (Gommery et al. 2011) dans les grottes d’Anjohibé (Nord de Majunga) d’ossements d’hippopotames nains portant des traces de découpe et datés de 2500 avant J-C, confirment l’existence à Madagascar d’un mode de vie de chasseurs/cueilleurs qui se serait maintenu jusque vers l’An Mil au moment du développement des premières sociétés agricoles de l’âge du fer.
Un des ossements portant des traces de découpe.
Crédit photo: © D. Gommery- MAPPM & CNRS
Ces nouvelles données archéologiques modifient d’emblée l’interprétation traditionnelle qui était avancée jusque là et qui présentait Madagascar, autour de l’An Mil, comme un vaste jardin d’Éden, vierge de toute intervention humaine qui au moment du développement des premières communautés agricoles (culture du riz et déboisement pour le pâturage des zébus) aurait été suivi d’une extinction brutale de la faune endémique de Madagascar lors de la destruction des biotopes. Cette extinction, qui s’est déroulée principalement entre l’An Mil et 1600, aurait selon ces dernières découvertes débutées bien avant la fin du premier millénaire, et ne serait pas le seul fait des communautés agricoles. Loin d’être un phénomène brutal, celle-ci se serait échelonnée sur plusieurs millénaires. Parmi les espèces animales éteintes, les plus célèbres sont le grand ratite æpyornis, ou oiseau-éléphant (une variété d’autruche de 500 kg!), l’hippopotame nain de Madagascar ou les grands lémuriens (archeolémurs), ou plus généralement, toutes les espèces diurnes de plus de 10 kg.
Ces découvertes appellent néanmoins à la prudence car hormis une culture matérielle qui se résume à des microlithes laissés par ces chasseurs-cueilleurs, on ne sait encore rien de l’origine de ces populations. Toutefois, de telles découvertes posent comme corollaire la question de l’origine de ces populations, capables d’atteindre Madagascar il y a plus de 4000 ans ! Si on laisse de côté l’hypothèse de naufragés Égyptiens au moment des explorations du pays de Punt, ou encore de Phéniciens réalisant la première circumnavigation africaine comme le conte Hérodote, une origine africaine de ces populations demeure assurément la plus probable. Il s’agirait alors de populations d’Afrique orientale pré-bantoues compte tenu de la chronologie de cette migration. Dans ce scénario, l’archipel des Comores, idéalement situé entre l’Afrique et Madagascar serait l’une des voies employées par ces populations pour atteindre le rivage malgache.
Il est donc envisageable d'émettre l'hypothèse de l'existence dans l'archipel des Comores de tels sites archéologiques, témoins de ces anciennes migrations vers Madagascar.
Mais aucune découverte de ce type aux Comores pour l'instant : " Le Professeur Chami, en Grande Comore, sur le site de Malé et à Anjouan dans la grotte de Bazimini a certes mis en évidence de l’outillage lithique mais trop tôt interprété comme appartenant à des époques très reculées (les dates de 2000, voire 4000 avant notre ère ayant été avancées à l’époque dans les médias!). Les datations RC14 obtenues s’avèrent dater pour les plus anciennes de l’époque médiévale (fin du premier millénaire). Toutefois, ces éléments confirment que là encore, en parallèle de la technologie du fer, l’outillage lithique était employé aux Comores (Chami 2011). Nous-même à Acoua, en 2011, dans des niveaux biens datés des XIIe-XIVe siècles, nous avons identifié de l’outillage lithique varié: lames de couteau, grattoirs, pierres à aiguiser... (Pauly 2012). "
" Ces données archéologiques, confirment, comme à Madagascar, que les sociétés comoriennes médiévales employaient également de l’outillage lithique en parallèle de l’outillage en fer. Il faudra garder ce fait culturel à l’esprit pour ne plus à l’avenir sur-interpréter la découverte d’outillage lithique comme étant la preuve d’une occupation préhistorique !
En conclusion, il n’est donc pas possible aujourd’hui de confirmer pour l’archipel des Comores une occupation humaine qui serait tout aussi ancienne que celle mise en évidence à Madagascar. "
Sources : http://archeologiemayotte.over-blog.com/article-une-presence-humaine-anterieure-a-la-fin-du-premier-millenaire-est-elle-possible-dans-l-archipel-des-120517784.html
Félix Chami 2010 « Archaeological research in Comores between 2007 to 2009 », Civilisations des mondes insulaires, volume d’hommage au professeur Claude Allibert, Inalco Paris, Karthala Éd., pp. 811-823.
Robert E. Dewar et al. « Stone tools and foraging in northern Madagascar challenge Holocene extinction models », Proceedings of Academy of Sciences, Université du Michigan.
Dominique Gommery et al., 2011 «Les plus anciennes traces d’activités anthropiques de Madagascar sur des ossements d’hippopotames subfossiles d’Anjohibe (Province de Mahajanga)», Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, Palevol 10.
Martial Pauly 2012 Acoua, Agnala M’kiri, rapport de fouille archéologique, opération mai-décembre 2011. Rapport, SHAM. Mamoudzou, Préfecture de Mayotte / DAC. 76 p.
http://mada.forumactif.com/t2596-le-peuplement-de-madagascar-remonte-a-4000-ans + CNRS-INEE
Autre lien connexe : http://www.sciences-fictions-histoires.com/blog/archeologie/un-ancien-continent-prehistorique-enfoui-sous-l-ocean-indien.html
Yves Herbo, Sciences-F-Histoires, 25-02-2014