Woudhuizen et Eberhard Zangger, géoarchéologue qui est président de la Fondation des études du Luvien, publieront les résultats sur l'inscription dans le numéro de décembre 2017 du journal Proceedings of the Dutch Archaeological and Historical Society.
La langue luvienne (Lud biblique) a été écrite de façon hiéroglyphique et aussi en cunéiforme auparavant... Voici une reproduction de ces inscriptions racontant cette intéressante histoire... À l’heure actuelle, l’origine et les parentés possibles de ce genre d’écriture sont inconnues.
Selon les notes de James Mellaart, cette inscription luvienne a été copiée par l'archéologue Georges Perrot en 1878 à Beyköy en Turquie. L'inscription remonte à 3 200 ans et parle de la montée d'un royaume appelé Mira et de la façon dont il a lancé des raids sur des cibles à travers le Moyen-Orient, détruisant l'Empire hittite, ainsi que d'autres royaumes. Crédit: James Mellaart
Si l'inscription est authentique, (ce qui est assez probable étant donné ses origines), elle éclaire une période très peu connue pendant laquelle une confédération de peuples que les érudits modernes appellent parfois le Peuple de la Mer, ont détruit des villes et des civilisations à travers le Moyen-Orient. Le royaume de Mira, inconnu géographiquement jusqu'à présent, mais cité dans plusieurs écrits historiques (Hittites surtout), qui s'est engagé dans cette campagne militaire, faisait apparemment partie de cette confédération des peuples de la mer en raison de leur participation aux attaques.
Une guerre de Troie ?
L'inscription explique comment le roi Kupantakuruntas a gouverné un royaume appelé Mira qui était situé dans ce qui est maintenant l'ouest de la Turquie (connue dans d'autres écrits comme la Phrygie, la Troade... Mira a contrôlé Troie, selon l'inscription, qui a en outre décrit le prince de Troie, Muksus, menant une expédition navale, qui a réussi à conquérir Ashkelon, située maintenant dans l'Israël moderne et à y construire une forteresse.
L'inscription détaille l'accession du roi Kupantakuruntas au trône de Mira : son père, le roi Mashuittas, prit le contrôle de Troie après qu'un roi de Troie nommé Walmus fut renversé. Peu de temps après, le roi Mashuittas a réintégré Walmus sur le trône de Troie en échange de sa fidélité à Mira, indique l'inscription. Kupantakuruntas est devenu le roi de Mira après la mort de son père. Il a ensuite pris le contrôle de Troie, bien qu'il n'eût pas été le roi de Troie. Dans l'inscription, Kupantakuruntas se décrit comme un gardien de Troie, implorant les futurs dirigeants de Troie de " garder Wilusa [un nom ancien de Troie] (comme) le grand roi (de) Mira l'a (fait) ". (traduction par Woudhuizen).
YH : On peut noter tout de même que la datation de cette inscription est établie par sa forme hiéroglyphique, mais pas l'histoire qu'elle raconte. En effet, il semble qu'il y soit question de la ville de Troie et d'un de ses princes, mais aussi d'un ancien nom de la même cité et d'anciens rois, ce qui pourrait faire remonter cette histoire a plus ancien que supposé, en tout cas que 3200 ans, d'autant plus que la plupart de ces noms sont inconnus historiquement, à part éventuellement le royaume de Mira qui n'est pas très identifié non plus et ne nous provient qu'en rapport avec des écrits Hittites concernant l'Arzawa très mythique dont la localisation est toujours débattue par les scientifiques... En fait, la première référence historique du royaume d'Arzawa date du règne du roi Hittite Hattushili Ier, vers 1650 av. J.-C. Un conflit l'oppose à son voisin occidental Arzawa, qui est déjà une grande puissance. Profitant de l'affaiblissement du royaume hittite sous le règne de Zidanta I (vers 1550 av. J.-C.), les rois d'Arzawa étendent leur territoire... Mais le roi Kupantakuruntas est aussi mentionné par les Hittites, mais comme étant l'un des rois Arzawa : Quand le royaume hittite redevient une grande puissance à partir du règne de Tudhaliya Ier, l'Arzawa est une source de grands troubles pour lui. On apprend qu'un souverain local vassal des Hittites, Madduwatta, a provoqué le roi d'Arzawa, Kupanta-Kurunta, qui l'a vaincu. Les deux finiront par faire la paix plus tard, au grand dam de Tudhaliya I qui voit d'un mauvais œil son vassal s'allier avec son ennemi. Tudhaliya II combat à son tour en Arzawa, sans trop de succès... Le royaume de Mira troyen pourrait donc être l'Arzawa des Hittites...
Les vestiges de Troie (Wikimedia common)
Une copie d'une copie
L'inscription elle-même n'existe plus, après avoir été détruite au 19ème siècle, mais les enregistrements de l'inscription, y compris une copie de celle-ci, ont été trouvés dans le domaine de James Mellaart, un archéologue célèbre décédé en 2012. Mellaart a découvert plusieurs sites anciens au cours de sa vie, dont le plus célèbre est Çatalhöyük, une colonie massive de 9,500 ans en Turquie que certains savants pensent être la ville la plus ancienne au monde. Mellaart a laissé des instructions en disant que si l'inscription ne pouvait pas être entièrement déchiffrée et publiée avant sa mort, d'autres savants devraient le faire dès que possible. Certains érudits (pas l'équipe de Zangger et Woudhuizen mais l'expert Mark Weeden par exemple) se sont dits préoccupés par le fait que l'inscription pourrait être une contrefaçon moderne créée par Mellaart ou par quelqu'un d'autre.
Mellaart a brièvement mentionné l'existence de l'inscription dans au moins une publication, une revue de livre publiée en 1992 dans le Bulletin de la revue Anglo-Israel Archaeological Society. Mais il n'a jamais décrit complètement l'inscription dans une publication scientifique.
Selon les notes de Mellaart, l'inscription a été copiée en 1878 par un archéologue appelé Georges Perrot près d'un village appelé Beyköy en Turquie. Mais après que Perrot ait enregistré l'inscription, les villageois ont utilisé la pierre comme matériau de construction pour une mosquée, selon les notes de Mellaart. Au lendemain que l'inscription ait été utilisée comme matériau de construction pour la mosquée, les autorités turques ont fouillé le village et trouvé trois tablettes de bronze inscrites qui manquent maintenant. Les tablettes en bronze n'ont jamais été publiées ou traduites et il n'est pas certain exactement ce qu'elles disent.
Un érudit nommé Bahadır Alkım (décédé en 1981) a redécouvert le dessin de l'inscription de Perrot et a fait une copie, que Mellaart a également copié et que l'équipe suisse-néerlandaise a déchiffrée.
Dernier membre d'une équipe
Mellaart faisait partie d'une équipe d'érudits qui, à partir de 1956, a travaillé à déchiffrer et à publier la copie de l'inscription de Perrot, ainsi que les tablettes en bronze et plusieurs autres inscriptions luviennes, disent ses notes.
Les notes de Mellaart indiquent que l'équipe dont il faisait partie a été incapable de publier son travail avant que la plupart des membres de l'équipe ne soient décédés. Les notes ajoutent que l'équipe avec laquelle Mellaart a travaillé, comprenait les savants Albrecht Goetze (décédé en 1971), Bahadır Alkım (décédé en 1981), Handam Alkım (mort en 1985), Edmund Irwin Gordon (décédé en 1984), Richard David Barnett (décédé en 1986) et Hamit Zübeyir Koşay (décédé en 1984). Mellaart, qui était l'un des membres les plus jeunes de l'équipe, est décédé à l'âge de 86 ans en 2012, après avoir survécu au reste de son équipe...
L'équipe suisse-néerlandaise a constaté que, dans ses dernières années, Mellaart a consacré beaucoup de temps à comprendre les copies des différentes inscriptions luviennes en sa possession. Cependant, Mellaart ne pouvait pas lire le Luvien; il avait été amené à l'équipe pour sa connaissance du paysage archéologique de l'ouest de la Turquie, tandis que d'autres membres pouvaient lire l'ancienne langue.
L'inscription existe-t-elle ?
Certains érudits se sont dits préoccupés par le fait que l'inscription soit une contrefaçon moderne. Ils ont dit que jusqu'à ce que d'autres enregistrements de l'inscription soient trouvés, qui ne soient pas laissés par Mellaart, ils ne pouvaient pas être sûrs que l'inscription existait...
Zangger et Woudhuizen ont déclaré qu'il serait extrêmement difficile, sinon impossible, que Mellaart ou quelqu'un d'autre crée un tel faux. L'inscription est très longue, et Mellaart ne pouvait pas lire, beaucoup moins écrire Luvien, ont-ils dit dans leur journal. Ils ont également noté que personne n'avait déchiffré le Luvien jusqu'aux années 1950, ce qui signifie que Perrot n'aurait pas non plus pu le forger. Zangger et Woudhuizen ont ajouté que peu d'érudits aujourd'hui peuvent lire le Luvien, beaucoup moins écrire une longue inscription. Ils ont dit qu'ils ne comprennent pas non plus pourquoi Mellaart aurait voulu créer une contrefaçon longue et complexe, mais la laisser largement inédite.
Mellaart a été accusé dans sa vie d'aider par inadvertance les contrebandiers et d'exagérer ou même d'imaginer des preuves (comme l'a dit Ian Hodder, directeur actuel des fouilles à Çatalhöyük) pour prouver ses idées archéologiques; cependant, il n'a jamais été soupçonné d'avoir créé une contrefaçon, ont noté Zangger et Woudhuizen.
Pour rester neutre, Zangger a déclaré que jusqu'à ce que des enregistrements de l'inscription soient trouvés en dehors du domaine de Mellaart, il ne pouvait pas être totalement certain que ce soit authentique et non pas un faux. Zangger publie également les détails de l'inscription nouvellement déchiffrée dans un livre en langue allemande intitulé «Die Luwier und der Trojanische Krieg - Eine Forschungsgeschichte» (Orell Füssli, 2017), qui est publié en octobre 2017, mais c'est bien Woudhuizen qui a traduit car Zangger ne connaît pas le Luvien...
Des gravures tombées d'une falaise phrygienne suite à un séisme...
Falaise creusée de la "cité de Midas", Phrygie
Sources : https://magazin.spiegel.de/SP/2017/41/153650517/?utm_source=spon&utm_campaign=centerpage
https://www.livescience.com/60629-ancient-inscription-trojan-prince-sea-people.html
Yves Herbo et Traductions, Sciences-Faits-Histoires, http://herboyves.blogspot.com/, 09-10-2017