Le Système Solaire plus banal que prévu...
Appliquée aux chondrites carbonées, les météorites les plus anciennes du Système solaire, la cosmochimie avait jusque-là indiqué que la chronologie des premières phases de leur formation devait différer de celle des autres disques protoplanétaires. En d'autres termes, notre Système solaire serait exotique. Il n’en serait rien selon des analyses plus récentes...
Une des grandes questions qui se pose, lorsque l’on cherche à comprendre les origines de l’apparition de la vie dans le Système solaire, est si celui-ci présente des caractéristiques rares ou très répandues dans la Voie lactée. Les différences possibles examinées ne sont pas limitées à la structure des orbites, mais aussi au niveau de la chimie des matériaux composant les corps célestes, que ce soit pour les planètes, les comètes et bien sûr les météorites. Ces différences doivent servir à contraindre les scénarios cosmogoniques de la naissance du Soleil et de la Terre via une nébuleuse protosolaire à l’origine du disque protoplanétaire où sont nées les planètes.
On peut ensuite comparer les prédictions déduites de ces scénarios aux observations des jeunes systèmes planétaires en formation et aux systèmes d’exoplanètes. Si notre système planétaire devait apparaître comme vraiment singulier dans la Voie lactée, il faudrait en conclure que les chances de découvrir une vie ailleurs, en particulier une civilisation extraterrestres, sont probablement faibles.
Les découvertes des nuages moléculaires riches en molécules organiques et les preuves de l’existence d’un grand nombre de superterres potentiellement habitables dans la Galaxie se sont cependant accumulées depuis moins de 20 ans. La vie est probablement très répandue dans le cosmos observable et bien que l’on devine qu’une grande diversité d’exoplanètes et de systèmes planétaires soit bel et bien présente dans la Voie lactée, notre Système solaire n’est très probablement pas une anomalie rarissime.
Chondre, à gauche, et inclusion réfractaire (CAI), à droite, sont bien visibles sur cette image prise au microscope polarisant d'une coupe d'une météorite. © Damien Mollex
Les chondrites carbonées, la mémoire du Système solaire primitif
Ces découvertes récentes sur les exosystèmes planétaires laissent un peu perplexes les cosmochimistes s’occupant des météorites, en particulier des chondrites carbonées.
Dans les années 1970, l’analyse de ces messagers célestes, gardant fidèlement la mémoire des phases primitives de la formation du Système solaire, s’était révélée riche en enseignements. L’affinement des méthodes de datation a permis au cours des années de dater sa naissance, il y a 4,567 milliards d’années.
En regardant d’un peu plus près les chondrites, on constate qu’elles contiennent des sortes de petites billes qui sont des bulles de magma ayant cristallisé en apesanteur. Ce sont des chondres (du grec chondros signifiant « grain »). Dans le cas de la météorite dite Allende qui est tombée le 8 février 1969 près de la localité du même nom au Mexique, et dont on a recueilli presque 2 tonnes de fragments, c’est au niveau des inclusions réfractaires appelées CAI (Calcium Aluminium Inclusions) que les découvertes ont été les plus fascinantes. Ces CAI sont considérées comme les plus vieux objets de notre Système solaire et c’est dans celles d’Allende que l’on a trouvé des anomalies isotopiques permettant de remonter à l’explosion d’une supernova.
Selon les cosmochimistes, les CAI se sont formées très rapidement et avant les chondres qui n’ont commencé à apparaître que 2 millions d’années plus tard. Peu de temps après, CAI et chondres se sont finalement retrouvées ensemble dans les premières chondrites carbonées. Or ce scénario entrait quelque peu en conflit avec les modèles de formation des disques protoplanétaires observés qui indiquaient que chondres et CAI avaient dû se former en même temps. On pouvait donc en conclure que la formation du Système solaire devait avoir été au moins partiellement atypique. Peut-être cela n’était-il pas sans conséquence sur les conditions nécessaires à l’apparition d’une planète habitable, voire de la vie.
Le disque protoplanétaire de notre Système solaire, une vision d'artiste. © Nasa/JPL-Caltech/T. Pyle (SSC)
Selon un article publié dans Science par un groupe de chercheurs, cette chronologie de la formation du Système solaire est fausse. En se basant sur des analyses fines des abondances des isotopes des noyaux de plomb et d’uranium, ils en ont déduit que comme dans le cas des autres systèmes planétaires, la formation des CAI et des chondres dans le Système solaire s’est faite simultanément. Les chondres se seraient de plus formées pendant les 3 premiers millions d’années de l’histoire du disque protoplanétaire et non 2 millions d’années après les CAI.
Au final, un tel résultat soutient l’idée que notre système planétaire ressemble beaucoup aux autres dans la Voie lactée et que des exoterres ne devraient pas être rares.
L'Homme est décidément un être curieux. Ignorant précisément ce qui a permis l'émergence de la vie sur Terre, le voilà déjà en train de se demander s'il existe d'autres êtres comme lui dans l'univers. S'armant des outils les plus modernes et exploitant toutes les pistes, les chercheurs se mettent en quête d'une trace de vie dans l'espace. De Mars aux exoplanètes, aucun indice ne doit échapper à l'œil de leurs télescopes, à leurs sondes ou aux rovers. Établirons-nous un jour le contact ? (YH : ah moins qu'ils ne l'aient déjà fait...)
SFH 11-2012