Nous ne parlons pas ici de coma prolongé, qui est un phénomène connu autant qu'inexpliqué dans le fond, chacun connaît le cas tragique de Karen Ann Quinland ou de beaucoup d'autres personnes restées dans cet état clinique pendant de nombreuses années, certaines en sortant d'ailleurs par miracle...
Nous parlons de personnes décédées pour x raison, dont la mort a été constatée à son époque, mais qu'une sorte de phénomène de vie végétative spontanée permet d'empêcher toute forme de mort cellulaire, toute forme de décomposition, et ce pendant une période considérée comme très anormale. Il est aussi assez troublant de constater que ce type de phénomène semble se produire majoritairement sur des personnes considérées comme étant "saintes" ou "mystiques", voir pratiquant des méthodes psychologiques et/ou liées aux états de conscience modifiée induits par les yogis et certains moines bouddhistes. Une autre énigme est souvent liée à ce phénomène : des mêmes corps demeurés intacts au-delà de la mort, exhalent des parfums très agréables ou encore exsudent du sang frais en abondance !
Nous allons commencer par les cas les plus anciens connus, rapportés par les historiens antiques ou du moyen-âge et de la Renaissance, les mêmes auteurs sur lesquels s'appuient nos propres historiens modernes pour tenter de figer une Histoire humaine cohérente selon notre propre époque, mais qui ne peut aussi qu'évoluer dans le temps...
Le 14 avril 1485 à Rome, alors que le Pape Innocent VIII venait d'être élu, des ouvriers occupés à extraire du marbre à l'endroit de la Via Appia appelé Statuarium, découvrirent trois tombeaux antiques. Deux d'entre eux étaient des sépultures familiales. Dans celle des Tulliens (?), il fut trouvé un sarcophage de marbre blanc qui fut immédiatement ouvert. Quelle ne fut pas la stupéfaction des ouvriers et témoins d'y apercevoir étendu le corps d'une jeune fille, qui paraissait avoir de quinze à seize ans. Les yeux grands ouverts semblaient les regarder et ses cheveux sombres, partagés au milieu du front, étaient relevés en arrière par un chignon fait de nattes. Lorsqu'on la souleva, on constata que ses membres étaient souples, comme si elle venait de mourir.
La rumeur de ce que l'on voulut aussitôt considérer comme un miracle, se répandit avec une telle rapidité que, le jour même, plus de vingt mille personnes se rendirent en pèlerinage sur la Voie Appienne, pour contempler le merveilleux visage de la vierge romaine. Le lendemain, la foule enthousiaste souleva le lourd cercueil et le porta en triomphe jusqu'au Capitole. Le pape Innocent VIII, inquiet de l'émotion populaire et de cette admiration qu'il estimait quasi païenne, fit dérober nuitamment la jeune morte, qu'on ensevelit en secret, dans un lieu que nul, depuis, n'a découvert (1).
(1) : Cité par le Dr Larcher, dans Le Sang peut-il vaincre la mort ?, par P. Saintyves : En marge de la Légende Dorée, par la relation de 1486 de l'humaniste Paolo Pompilio, citée par Mgr Mercati.
Cet étonnant cas est très commenté et étudié, avec des textes et détails datant de l'époque même de la découverte, notamment une lettre de Bartolommeo Fonzio (1446-1513) à son ami Francesco Sassetti, publiée en 2011 (Letters to Friends, éd. Alessandro Daneloni, Cambridge (Mass.) Londres, 2011, p. 93-94) :
" Facies (…) erat subpallida, ac si eodem die puella sepulta esset… … Ad summam et formosissima simul et generosissima haec puella fl orente adhuc Roma urbe apparet ". (« Son visage était clair comme si on l’avait ensevelie le jour même » «… En bref, cette jeune fille qui avait vécu quand Rome était florissante, semblait aussi belle qu’elle était noble » ).
Une résille d’or retenait encore les cheveux de la romaine. Portée deux jours plus tard au Capitole sur l’ordre des Conservateurs, accompagnée d’une foule immense, et exposée aux yeux de tous, la jeune morte telle qu’elle apparaît sur l’un des fantasques dessins du Codex Ashmolensis (2), nue sur le marbre du couvercle de son sarcophage, devint en ce haut lieu de la conscience romaine, un emblème ou plutôt, une relique. « On aurait dit qu’il s’agissait d’une indulgence » note un observateur au vu du peuple accouru (3).
Codex Ashmolensis
(2) : Codex Ashmolensis, Oxford, Bodleian Library, Ms lat misc d 85 fol 161 v (Roman). Fonzio a composé ce recueil de matériaux épigraphique et archéologique, riche entre autres de nombreux dessins de Cyriaque d’Ancône (mort en 1455). L’ensemble de la collection se signale par son atmosphère d’antiquité fantastique, propre au premier âge humaniste. Saxl a publié ce dessin dans son étude The Classical Inscription in Renaissance Art and Politics. Bartolommeus Fontius, Liber Monumentorum Romanae Urbis et aliorum locorum, «Journal of the Warburg Institute » , IV, 1_ 2, oct. 1940-janv. 41, p. 19-46.
(3) : Lettre de Schedel, 16 avril 1485, Bibliothèque de Munich, Cod. 716, citée par Rodolfo Lanciani, Pagan ans Christian Rome, Houghton, Miffl in and Company, Boston and New York, 1892, chap. VI, p. 298. Notons aussi le témoignage sur lequel s’attarde Léonard Barkan, de l’humaniste Paolo Pompilio, qui inclut la découverte du corps dans une série croissante de prodiges, allant du franciscain traversant Rome sur un buffle, à l’enfant de 9 ans donnant prédication, à la statue d’Hercule trouvée lors de fouille, au vol de la tiare papale… à la romaine de la Via Appia. (L. Barkan, Unearthing the past : Archaeology and Aesthetics in the Making of Renaissance, Yale University Press, 2001, p. 58sqq)
" Peu de jours après qu’on l’exhuma, le splendide corps de la jeune romaine, si longtemps conservé, s’altéra et noircit, avant que le pape ne la fît discrètement ensevelir dans une fosse près du Pincio. Exhumée le 18 avril 1485, exposée trois jours (4), la jeune fille, figure de l’antiquité resurgie, fut enterrée à nouveau – le hasard n’existe pas – le jour du Natale di Roma. "
(4) : Rodolfo Lanciani, Pagan ans Christian Rome, Houghton, Miffl in and Company, Boston and New York, 1892, chap. VI, p. 298, p. 299 : « Celio Rodigino says that the first symptoms of putrefaction were noticed on the third day. »
Une certaine enquête récente de Christophe IMBERT, de l'Université de Toulouse Le Mirail, sans remettre en question la réelle découverte de ce corps impossiblement conservé, semble remettre en question le ou même les noms associés à cette jeune fille, en montrant les citations contradictoires de certains textes, les plus solides disant que le temps avait effacé toute inscription et que la jeune fille n'était certainement pas la "Tullia" ou "Tulliola" , fille de l'Empereur Cicéron citée par certains, ni une "Aurelia extricata" citée par d'autres.
Et de toute façon, on observa que ce corps, inhumé sous la Via Appia, y avait nécessairement été enfoui, en son magnifique sarcophage, avant la création, par Claudius Appius, de la célèbre voie reliant Rome à Brindes (aujourd'hui Brindisi). Car, défoncer une voie impériale pour y enterrer une jeune fille, cela, la loi romaine ne l'eût jamais toléré.
Or, les travaux de la Voie Appienne commencèrent à Rome, en 312 avant notre ère. Ce qui établit nécessairement que le corps de la jeune fille y avait été inhumé bien avant 312, et qu'ainsi, entre cette inhumation et sa découverte en 1485 de notre ère, il s'était écoulé 18 siècles, exactement 1797 années ! Et avant Cicéron de toute façon...
Ce qui est étonnant, mais nous avons peut-être affaire à un endroit spécial ou un indice sur une méthode inconnue (et perdue) sur la conservation des corps, c'est que d'autres corps ont été sortis de la Via Appia, avec de mêmes caractéristiques... :
Ainsi, Caelius Rodiginus, dans son livre des Antiquités, nous rapporte que, durant le pontificat de Sixte IV (pape de 1471 à 1484), on découvrit également sous la Via Appia le corps d'une fille blonde d'une grande beauté; les cheveux, d'un blond doré, étaient noués avec des bandes également dorées. Le corps baignait dans une sorte de saumure, de nuance rougeâtre. On pensa qu'il s'agissait de Tulliola, fille de Cicéron. Mais cette supposition est erronée, pour la même raison que dans le cas précédent. La Via Appia ayant été réalisée à Rome à partir de 312 avant Jésus-Christ, et Cicéron ayant vécu de 106 à 43 avant Jésus-Christ, on n'a pas pu inhumer sa fille sous la voie en question. Outre la loi romaine, qui n'aurait pas permis que l'on défonçât une voie impériale pour y mettre un cadavre, la famille s'y serait opposée, la croyance antique n'admettant pas que le repos d'un mort puisse être troublé par le galop des chevaux ou le roulement des chars passant au-dessus de lui. Enfin, la même loi romaine l'aurait interdit, les chemins et routes étant des lieux choisis fréquemment par les sorciers et les sorcières pour leurs sortilèges et leurs évocations.
De même, Valateron (cité par les médecins H. Gannal, Germer Baillière, 1840), nous dit que, sous le pontificat d'Alexandre VI (pape de 1492 à 1503), on découvrit le corps d'une femme, parfaitement conservé, souple, le visage vermeil, dans un mausolée située près d'Albane. Le peuple ayant rapidement affirmé qu'il s'agissait d'une sainte (alors que l'antiquité du corps - de nombreux siècles ! - démentait ce fait), le pape Alexandre VI fit jeter la dépouille dans le Tibre.
Mais il y a encore d'autres cas de très longue conservation de cadavres :
Le journal France-Soir du 8 octobre 1968 a publié un texte de l'agence Associated Press du 7 du même mois, ainsi rédigé :
« Budapest 7 octobre - Le corps d'un homme à barbe rousse, qui pourrait être un soldat romain enterré il y a 1000 ans, a été découvert en Hongrie, près de Dunaûjvâros. Le corps se trouvait dans un sarcophage de pierre pesant trois tonnes, retrouvé sur l'emplacement d'un ancien cimetière romain, près duquel existait un poste militaire au XIe siècle après Jésus-Christ.
« La tête du légionnaire porte encore une barbe et des cheveux roux, le nez a ses cartilages, la plupart des dents sont présentes, les incisives semblent extraordinairement longues. Les poumons sont également bien conservés.
« Le journal hongrois Magyar Nemzet, qui rapporte cette stupéfiante découverte, indique que, selon les experts, c'est la première fois que l'on découvre une telle dépouille, aussi bien conservée. »
Cette dépêche de l'A.P. a été rédigée un peu trop rapidement. Il est impensable qu'un simple légionnaire romain ait bénéficié d'un tel tombeau : trois tonnes de pierre. Le personnage qui y fut inhumé dut être un tribun de cohorte, si ce n'est même un gouverneur de région. Quant à l'époque même à laquelle on fixe cette inhumation, rien n'empêche de la reculer encore, car la Hongrie, alors dénommée Pannonie, était déjà occupée par les légions romaines vers l'an 14 de notre ère, soit sous Tibère. Tacite nous rapporte en ses Annales la révolte des légions de Pannonie et les noms des hauts dignitaires qui administraient cette province limitée par le Danube...
Mais il y a plus extraordinaire encore. La revue Archéologia, en son numéro 54 de janvier 1973, relate la découverte d'une tombe chinoise, vieille de vingt et un siècles, soit 2 100 ans, dans la province de Hounan, près la ville de Tchangcha. Le sarcophage était composé de six coffres s'emboîtant étroitement les uns dans les autres. Il contenait le corps d'une femme qui mourut âgée d'environ cinquante ans, probablement l'épouse de Litsang, premier marquis de Taï. La richesse des objets funéraires accompagnant l'ensevelissement confirme cette conclusion. Selon le rapport présenté par le groupe d'étude formé de professeurs de l'Institut de médecine de Hounan, le tissu conjonctif sous-cutané du cadavre reste élastique, les fibres intactes, et les artères crurales présentent une couleur très proche de celles existant dans un cadavre frais. En injectant de l'antiseptique dans le corps ainsi exhumé, le personnel médical a observé que le tissu mou se gonfle au passage du liquide, qui se disperse au fur et à mesure.
H. Gannal, dans son Histoire des Embaumements, (Paris, 1838 à 1840), nous rapporte à son tour le fait suivant. En 1826, près de Newton-Bellew, en Irlande, on trouva, placé à neuf pieds de profondeur dans une fondrière, elle-même profonde de douze pieds, le corps parfaitement conservé d'un homme du 12éme siècle. Il était vêtu d'un habit de peau, le poil en dehors, les cheveux étaient parfaitement noirs, il était tête, jambes et pieds nus. Le vêtement était intact, et l'on eût cru, à le voir, qu'il venait d'être inhumé. Sans doute y eut-il une rapide évolution physico-chimique, car il se corrompit quelques jours plus tard.
En tous ces cas, il s'agit de corps conservés, sans aucun embaumement, pendant des périodes allant de sept à dix-huit siècles voir même 21 siècles...
Notons aussi que Pausanias, en son Cinquième livre, chapitre 20, rapporte le fait suivant, qu'il tenait de son antiquaire Aristarque qui en fut témoin :
« Lorsque les Ëléens firent réparer le temple de Junon, dont la voûte menaçait ruine, on découvrit, entre la voûte et la couverture, le cadavre d'un guerrier en armes, mort apparemment de ses blessures. C'était sans doute un de ces Éléens qui soutinrent le siège contre les Lacédémoniens dans l'Altis. Cet homme, percé de coups, s'était traîné là et y avait rendu l'âme. Quoi qu'il en soit, depuis tant d'années, son corps s'était parfaitement conservé, par la raison, comme je le crois, que dans cette cachette, n'étant exposé ni au chaud ni au froid, il avait peu souffert de l'impression de l'air. »
On peut objecter facilement à Pausanias que bien des cadavres se trouvent en de semblables conditions au fond de leur cercueil lui-même abrité dans quelque somptueux et hermétique tombeau de marbre ou de pierre. Et cela ne les empêche nullement de se corrompre assez rapidement...
Mais que dire alors de ce qui advint du corps de saint François Xavier. Les faits ci-dessous sont rapportés par Mgr Guérin (Cf. Pet. Holl. t. XIV, page 43), et par P. Saintyves (Cf. En marge de la Légende Dorée, Paris 1930, p. 298).
Le corps mystérieusement conservé de François Xavier, le saint missionnaire, dans la cathédrale de Goa, aux Indes portugaises (Photo © Sunday Times-David Balley, E.F.E)
Lorsque saint François Xavier mourut le 2 décembre 1552, son corps fut mis dans une caisse assez grande, à la manière des Chinois, et cette caisse fut remplie de chaux vive afin que, les chairs étant rapidement consumées, on pût emporter les os du saint à Goa. Le 17 février 1553 (soit deux mois et demi après, on ouvrit le cercueil pour s'assurer que les chairs étaient en cendres. Mais, lorsqu'on eut enlevé la chaux de dessus le visage, on le trouva frais et vermeil, comme celui d'un homme qui dort. Le corps était tout entier, et sans aucune marque de corruption. On coupa, pour s'en assurer davantage, un peu de chair, près du genou, et il coula du sang. Le corps du saint exhalait une odeur très agréable. Transporté par mer à Malacca, il y fut enterré le 22 mars 1553. Quelques mois plus tard, ayant encore été retrouvé frais et entier, il fut transporté à Goa et enseveli dans l'église Saint-Paul le 15 mars 1554. En 1612, (soit soixante-dix-huit années plus tard !), lorsqu'on voulut en détacher le bras droit pour l'envoyer à Rome, on trouva le corps toujours flexible et vermeil, et lorsqu'on amputa le bras, le sang coula normalement, rouge et fluide.
En 1727, on découvrit dans un caveau de l'hôpital de Québec les cadavres, entiers et intacts, de cinq religieuses mortes en 1707, soit vingt ans auparavant, et qui, quoique ayant été totalement recouverts de chaux vive, non seulement présentaient tous les signes de la vie, mais encore rendaient un sang vif et clair... (cf. G. des Mousseaux).
Dans son ouvrage, Le Pré-spirituel, J. Moschus nous transmet le récit que lui firent deux vieillards habitant un domaine situé à six milles de Rossas :
« II y a sept ans, nous autres, de ce domaine, nous avons vu, la nuit au sommet de la montagne une lumière qui ressemblait à un feu. Nous pensions que c'était à cause des bêtes, mais nous avons aperçu cela durant plusieurs jours. Nous sommes donc montés un jour, et nous n'avons vu aucune trace, ni lumière, ni rien de brûlé dans la forêt. De nouveau, la nuit suivante, nous avons vu les mêmes lumières. Ainsi donc, et durant trois mois de suite, nous avons vu ce feu. Alors, dans le domaine, une nuit, nous avons pris quelques compagnons avec des armes, à cause des bêtes. Nous sommes montés sur la montagne, dans la direction de la lumière, et nous sommes restés jusqu'au matin à l'endroit où était la lumière. Le matin, nous avons vu une petite grotte, là où la lumière était apparue. Et en y entrant, nous avons vu l'anachorète (ermite) mort. Il portait un sticharion de crin et un manteau de corde, et il tenait une grande croix d'argent. Nous avons aussi trouvé près de lui une feuille où était écrit ceci.: « Moi, l'humble Jean, je suis mort à la quinzième indiction.* » Nous avons donc calculé le temps et avons trouvé qu'il y avait sept années qu'il était mort. Or il était tel que s'il était mort ce jour-là... »
* : L'indiction est un des éléments du comput ecclésiastique.
On observera le phénomène de la lumière nocturne, que nous retrouverons en étudiant le cas du Père Charbel Makhlouf.
Un autre moine a fait ce récit à J. Moschus.
« Nous étions montés un jour sur le mont Amanus pour quelque affaire, et nous y avons trouvé une grotte. Y étant entré, j'y vois un anachorète (ermite) à genoux, ayant les mains tendues vers le ciel, et des cheveux pendant jusqu'à terre. Je pensais qu'il était vivant et je me prosternai en lui disant : "Prie pour moi, Père..." Comme il ne me répondait pas, je me levai et m'approchai de lui pour l'embrasser. Quand je mis la main sur lui, je trouvai qu'il était mort, et, le laissant, je m'en allai. Étant déjà à une certaine distance, je vis une autre grotte. J'y entre, et je vois un moine. Il me dit : "Tu as bien fait de venir, mon frère. Es-tu entré dans l'autre grotte du moine ?" Je répondis : "Oui, mon Père..." Il me dit : "Tu n'y as rien pris ?..." Je répondis : "Non..." Il ajouta alors : "En vérité mon frère, le moine est mort depuis quinze ans..." Or, il était conservé comme s'il se fût endormi une heure auparavant... »
On observera que, dans ces deux cas, le cadavre n'était pas à l'abri des variations de température et d'hygrométrie, et encore moins à l'abri des attaques des insectes ou des rongeurs.
Voici maintenant le cas, célèbre, et étudié en détail par le Dr Larcher en son ouvrage Le Sang vaincra-t-il la Mort?, de sainte Thérèse d'Avila.
Née le 28 mars 1515 (8 avril en style grégorien), vers 5 h 30 du matin (selon son père) elle mourut le 4 octobre 1582 (15 octobre en style grégorien). Le corps ne fut pas embaumé, il fut inhumé dans une fosse profonde, comblée avec un mélange de pierres, de chaux et de terre humide.
Huit mois et demi plus tard, le 4 juillet 1583, les prodiges qui entourèrent sa mort (parfums extrêmement forts exhalés par le cadavre, disparition des rides, arbre desséché subitement couvert de feuilles et de fleurs en dépit de la saison), firent décider de rouvrir la fosse, d'autant que celle-ci exhalait une pénétrante odeur de violette, d'iris et de lys. On trouva un cadavre dont les vêtements étaient entièrement corrompus, qui était totalement recouvert de mousse, mais intact, et pénétré d'une sorte d'huile odoriférante. On le nettoya, et l'on constata que la chair restait flexible comme au jour de la mort, douce, blanche, et qu'une huile coulait goutte à goutte de tous les membres. Les religieuses lavèrent le cadavre, l'enveloppèrent de vêtements neufs, lui laissant simplement sa tunique de dessous demeurée intacte. Elles le déposèrent dans une caisse de bois très solide. Avant de la fermer, le Père Gratien détacha la main gauche qu'il voulait porter à Avila. On redescendit le cercueil dans la même fosse, mais moins profondément, et on le recouvrit cette fois simplement de terre.
Trois ans plus tard, à l'anniversaire de sa mort, soit le 15 octobre 1585 (grégor.), le Chapitre Général des Carmes décida la translation du corps de Thérèse à Avila. Et le 24 novembre 1585, à neuf heures du soir, on rouvrit la tombe. On trouva le corps dans la même intégrité que la première fois, et l'on constata les mêmes prodiges. Le Chapitre avait ordonné au Père Grégoire, chargé de conduire cette exhumation, de détacher le bras gauche (dont le Père Gratien avait déjà retiré la main !), et de le laisser au monastère d'Albe, où Thérèse était morte et avait été enterrée. C'était là une pénible épreuve pour le moine. Mais à peine eut-il, d'une main tremblante, approché le couteau de l'épaule, que le bras se détacha sans effort, laissant couler un sang vermeil et vif.
Une nouvelle exhumation eut lieu le 1er janvier 1586, soit quatre ans et deux mois après la mort. Le corps fut examiné par les premiers médecins d'Avila. L'humidité de la tombe avait pourri la robe et le manteau, mais le corps était intact, souple, et il avait gardé son embonpoint naturel.
Fin août 1586, puis le 29 mars 1592 (soit neuf ans et cinq mois après la mort), on trouva le corps dans le même état. La chair demeurait tellement souple qu'elle se relevait lorsqu'on y appuyait le doigt. Elle exhalait la même odeur parfumée. Les médecins ouvrirent le corps, afin de vérifier et constater qu'il n'avait jamais été embaumé artificiellement et en établirent un constat. C'est alors que l'on enleva le cœur, pour le déposer dans un reliquaire qui resta dans le couvent.
Vers la fin de l'année 1594, le corps de la sainte fut de nouveau exposé à l'air. On ouvrit le cercueil de fer, dont chacune des trois serrures avait une clé différente, déposées l'une dans la maison d'Albe, les autres aux mains de la Prieure et en celles des Carmes. La Mère Anne-de-Jésus, envoyée par les supérieurs de l'Ordre, attesta que le corps était toujours aussi frais, souple, les chairs présentant l'aspect réel de la vie. Remarquant vers les épaules un endroit coloré, elle y appliqua un linge, qui se teignit aussitôt de sang vif. L'expérience fut réitérée deux fois, Cependant, la peau demeurait intacte, sans aucune marque de plaie ni déchirure. Il s'agissait là d'un phénomène d'osmose tégumentaire absolument inexplicable.
En 1598, seize ans après la mort, la chair était toujours aussi flexible et aussi parfumée. En 1604 et en 1616, soit vingt-deux ans et trente-quatre ans après la mort, on enleva une côte, le pied droit et plusieurs fragments de chair de la dépouille. A chaque fois, le sang coula, normal, rouge et vif. C'est alors qu'un bref pontifical lança l'excommunication contre quiconque porterait désormais atteinte à l'intégrité « de ce temple de l'Esprit Saint, où la piété populaire voulait détruire ce que Dieu s'était plu à conserver ». Il était temps que cessât cette boucherie, où la cupidité et la superstition se donnaient libre cours.
Enfin, le 2 octobre 1750, les 13 et 14 octobre 1760, le corps fut de nouveau extrait de sa châsse et examiné. Les constatations furent toujours identiques. Il y avait cent soixante-dix-huit ans que Thérèse d'Avila était morte...
santa Joaquina de Vedruna photographie de 2004. Sœur Joaquina du Père Saint François née le 16 avril 1783 à Barcelone, est décédée le 28 août 1854 à Barcelone
Nous abordons maintenant le cas de Youssel Makhlouf, en religion le Père Charbel, moine maronite né en 1828, à Bika Kafra, dans le nord du Liban. Il mourut le 24 décembre 1898, à soixante-dix-huit ans, dans un ermitage dépendant du monastère de Saint-Maron, à Annaya (Liban).
Charbel Makhlouf ( © Scala. Office national du tourisme libanais)
Après serment canonique, ceux qui l'inhumèrent alors relatèrent ce qui suit devant la Commission officielle d'enquête.
« On transporta le corps de son ermitage au monastère, et, après la cérémonie funèbre, enveloppé en sa soutane, selon la coutume des moines, on le descendit dans la tombe touchant l'église, à l'est. Là, son corps fut posé sur une sorte de marche intérieure élevée de vingt-cinq centimètres environ au-dessus du sol. J'étais de ceux qui pénétrèrent à l'intérieur du tombeau avec le frère Elias El-Bamharini, le frère Boutros El-Michmichani, et un groupe de moines dont je ne me rappelle plus les noms. Sur cette surélévation ne se trouvait aucun reste, ossements ni crâne, car tous avaient été déplacés et rassemblés dans un coin du tombeau. Dans ce tombeau, ne se trouvait aucun corps incorrompu, mais seulement ces restes dont je viens de parler... » (Témoignage de Saba Bou Moussa, moine maronite.)
« La tombe est située plus bas que le niveau du sol, de sorte que l'eau y pénètre de tous côtés... Sur le sol du tombeau, nous avons placé quelques pierres, sur lesquelles nous avons posé deux planches et un tissu de poil de chèvre, sur lesquels nous avons déposé le corps. » (Témoignage du frère François Al-Sebrini - cession du 14-5-1926.)
-- Y avait-il en ce tombeau des corps incorrompus, là où vous l'avez enterré ? demanda alors à ce témoin la Commission d'enquête.
-- Il n'y avait que des ossements..., répondit-il.
La tombe fut alors refermée par une grosse pierre, que l'on recouvrit de terre.
Or, dés la nuit suivante, puis quarante-cinq nuits durant, des phénomènes lumineux, visibles à distance, se produisirent près de la tombe.
« ... Nous pouvions voir de nos maisons, à dix minutes en face, au sud, une lumière brillante sur le tombeau, différente des lumières ordinaires, semblable à une lumière électrique, qui apparaissait et disparaissait. Elle demeura ainsi tant que nous persistâmes à la regarder. Nous voyions, mieux qu'en plein jour, la coupole du monastère et tout le mur oriental opposé au tombeau. Nous nous rendîmes au monastère pour en aviser les moines, qui ne nous crurent point. Nous avons revu ce spectacle extraordinaire chaque fois que nous avons passé la veillée chez nos voisins, dont la maison est située en face du tombeau, et tous ceux qui veillaient l'ont vu... » (Témoignage de Georges-Emmanuel Abi-Sassine, - Session des 12 et 14-6-1926).
II advint que le Préfet de la région, Cheikh Mahmoud Hémadé, de la secte des Chiites, arriva avec quelques hommes, dans le but de rechercher certains criminels fuyant la justice. Ils croyaient qu'ils étaient cachés dans les bois voisins du couvent. Ils attachèrent leurs chevaux près de ma maison, à Jabal El-Ouaïné et se dirigèrent vers le couvent dans la nuit. S'en approchant, ils virent une lumière qui leur parut d'abord faible, mais qui s'intensifiait et brillait près de la porte du monastère, à l'est de l'église. Ils crurent tout d'abord qu'il s'agissait des criminels cachés là, et se précipitèrent vers l'endroit où ils avaient vu cette lumière. Mais ils ne virent plus rien. Ils frappèrent alors à la porte du monastère. Lorsqu'on leur eut ouvert, ils questionnèrent et perquisitionnèrent, mais ne trouvèrent rien ni personne, sinon les habitants du monastère. Lorsqu'ils racontèrent au supérieur et à ses moines ce qu'ils avaient vu, le supérieur étant alors le Père Antoine El-Michmichani, celui-ci leur répondit : "Depuis un certain temps déjà, nous avons entendu dire que certains voient une lumière là où vous l'avez vue, et c'est le caveau du monastère où est enterré le Père Charbel. " » (Témoignage de Saba Bou Moussa - Session des 12 et 14 mai 1926).
" On a relevé le corps du tombeau, en raison de la fréquence de l'apparition nocturne de la lumière. Je l'ai vue moi-même trois fois. Les moines, à qui nous rapportions le fait ne voulaient pas nous croire. Mais le supérieur du couvent, le Père Antoine El-Michmichani, est venu en notre maison, opposée au monastère, et il a constaté lui-même l'apparition de la lumière. Après quoi, on a levé le corps. " (Témoignage de Miladé, veuve de Tannons Chéhadé. - Session des 12 et 14 mai 1926).
Ici, nous citons le Dr Hubert Larcher :
« Le 15 avril 1899, la tombe fut ouverte en présence du supérieur des moines et de dix témoins de l'enterrement. Interrogés séparément par la Commission d'enquête, ceux-ci attestèrent unanimement :
⦁ que l'eau de pluie, pénétrant de la terrasse en terre et des murs, avait raviné le cimetière et fait de la tombe du Père Charbel un véritable bourbier;
⦁ que le corps du Père Charbel flottait sur cette boue, sous l'eau qui tombait là-dessus en abondance; que, malgré cela, le corps débarrassé de la moisissure qui le recouvrait, se trouvait intact dans tous ses membres : tendre, flexible, pliant à toutes les jointures. La peau gardait sa fraîcheur et les muscles leur souplesse. Pas un poil de sa barbe, pas un cheveu de sa tête n'était tombé; la trace de la chaîne de fer, dont l'ermite s'entourait les hanches, était encore bien visible. » (Témoignage du Père Joseph Yonès, cité par P. Daher, dans Vie, survie et prodiges du Père Charbel Makhlouf, Ed. Spès, Paris, 1953).
⦁ " Les mains étaient posées sur la poitrine, tenant la croix, le corps tendre, frais et souple; sur le visage et sur les mains, une certaine moisissure blanche, semblable à du fin coton. Lorsque Saba Bou Moussa essuya cette moisissure, le visage et les mains apparurent comme ceux d'un homme endormi... Un sang bien rouge, coula, mêlé d'eau, de son côté. Le corps était souple, tendre, suintant un sang frais, sans aucune trace de corruption, comme si l'on venait de l'enterrer à l'instant même. » (Témoignage du Père Elie Abi-Ramia, cité par P. Daher, op.
cit.}
⦁ " On trouva son corps préservé de la corruption. Mais une couche épaisse de moisissure couvrait son visage, ses mains, et sa poitrine. Lorsqu'elle fut grattée, son corps apparut rougeâtre, et un sang frais, mêlé d'eau, coula de son côté. On le changea de linge et de vêtements, et on le referma dans un cercueil dont la partie supérieure était vitrée et on plaça le cercueil dans un oratoire. " (Témoignage du Père Chibli, cité par P. Daher, op. cit.).
Mais, le lendemain et tous les jours suivants, le corps se trouva de nouveau recouvert de ce liquide rouge qui paraissait suinter des pores de la peau ! Il imbibait le linge au point que les moines furent obligés de changer deux fois par semaine les vêtements du Père Charbel.
Un an après sa mort, nous dit le professeur Théophile Maroun, un empirique lui enleva les viscères, afin de mettre un terme au suintement aqueux et sanguinolent. Vainement ! Le suintement sanguin continua...
En 1900, on l'exposa pendant six mois sur la terrasse de l'église, en vue de le dessécher au soleil. En vain également ! Et vingt-sept années durant, le liquide composé de sang et d'eau continua de suinter hors du cadavre.
Dans une déclaration établie le 16 novembre 1921, le docteur Elias El-Onaissi, de Lehfed (Liban), nous dit ceci :
« J'ai vu au couvent d'Annaya, le corps du serviteur de Dieu, le Père Charbel. M'approchant du cercueil qui le renfermait, j'ai senti une odeur pareille à celle qui émane naturellement des corps des vivants. Ayant attentivement observé et examiné ce cadavre, j'ai remarqué que ses pores laissent passer une matière semblable à la sueur. Chose étrange et inexplicable, selon les lois de la nature, pour ce corps inanimé depuis tant d'années. J'ai maintes fois recommencé le même examen, à des époques différentes. Le phénomène a toujours été le même. »
Le 24 juillet 1927, le corps fut placé dans un cercueil de bois recouvert de zinc, avec un cylindre métallique contenant un rapport médical sur l'état du corps à ce jour, rédigé en français par le professeur Armand Jouffroy, de la Faculté française de médecine de Beyrouth, et par le docteur Balthazar Malkonien. Une excavation, creusée dans l'épais mur de la crypte, reçut le cercueil qui, isolé du sol par deux pierres, fut posé avec assez d'inclinaison pour que le liquide qui suintait toujours ne puisse stagner sous le corps. Cette sépulture fut fermée par un épais mur de pierres minutieusement jointoyées au ciment.
Malgré cela, vingt-trois ans plus tard, le 25 février 1950, des pèlerins remarquèrent un suintement au pied du mur qui fermait le tombeau. Le Père Pierre Younès, supérieur du couvent, constatant que ce liquide était visqueux et rosé, craignit pour l'intégrité du cercueil, réunit les moines et, en leur présence, fit, non sans efforts, ouvrir la sépulture. On constata que l'extrémité déclive du cercueil laissait suinter un liquide sanguinolent, source certaine, malgré l'épaisseur et l'imperméabilité apparente du mur, du suintement observé par les pèlerins.
Une enquête canonique fut alors ouverte, qui désigna trois médecins pour l'expertise. Ce furent les docteurs Chikri Bellan, directeur du Service de Santé et d'Assistance auprès du Gouvernement libanais, Joseph Hitti, député du Mont-Liban au Parlement, et Théophile Maroun, professeur d'anatomie pathologique à la Faculté française de médecine de Beyrouth.
Ce comité, entouré de témoins également éminents, observa ce qui suit :
1. la sueur de sang qui avait été constatée depuis 1899, jusqu'en juillet 1927, suintait toujours sans interruption, de la même façon que lors de la précédente exhumation, et, répandue sur le corps tout entier, avait imprégné les vêtements sacerdotaux;
2. une partie de la chasuble était pourrie, ainsi que le fond du cercueil de bois; le fond du cercueil de zinc était fendu aux pieds, le tube qui contenait les attestations était intact;
3. le liquide sanguinolent qui suintait au pied du cercueil fendu, s'écoulait de là sur la pierre en dessous, puis, goutte à goutte, coulait à l'extérieur.
4. les témoins remarquèrent en outre que tous les vêtements étaient littéralement imbibés de liquide séreux, et, ça et là, tachés de sang, spécialement l'aube de lin blanc.
5. le liquide blanchâtre, répandu sur tout le corps, s'était coagulé et comme solidifié par endroits. Cependant, le corps conservait toute sa souplesse, et l'on pouvait aisément plier les bras et les jambes.
6. On souleva le voile qui recouvrait la face et les mains : il en portait les empreintes.
Le corps du Père Charbel fut alors mis dans un nouveau cercueil, qui fut replacé dans le caveau, dont les pierres furent de nouveau soigneusement cimentées. Deux ans plus tard, soit cinquante-quatre ans après la mort du Père Charbel, on exposa de nouveau le corps à la vue du public, du 7 au 25 août 1952 :
Le Père Daher note alors ceci :
« J'ai vu moi-même ce corps, toujours intact, et toujours suintant cet étrange liquide sanguinolent, dont le cercueil, les vêtements et les ornements sacerdotaux étaient littéralement trempés... »
Ecoutons le docteur Georges Choukrallah. Celui-ci examina le corps du Père Charbel trente-quatre fois en dix-sept années. Voici ce qu'il écrit :
« Après avoir maintes fois examiné ce corps intact, j'ai toujours été étonné de son état de conservation, et surtout de ce liquide rougeâtre qu'il suinte. J'ai même consulté de bons médecins à Beyrouth, et en Europe, lors de mes nombreux voyages. Personne n'a pu m'expliquer le fait. C'est un phénomène si unique qu'aucun médecin n'en a peut-être vu de semblable, que l'histoire de la médecine n'en a jamais enregistré de pareil. Je ne me lasse point de rechercher si jamais, dans le monde, un corps a été conservé comme celui-là... »
Plus loin, il ajoute ceci : « Supposons que le liquide que suinte le corps chaque jour, ne pèse qu'un gramme. Ceci fait, durant cinquante-quatre ans :19,764 kg ! Or, la quantité moyenne de sang contenue dans le corps humain est de cinq litres ! Le moins ne donne pas le plus ! Principe scientifique évident par lui-même. Mais le liquide rouge que déverse le corps du Père Chardel dépasse de beaucoup un gramme par vingt-quatre heures. La source aurait dû tarir puisqu'elle n'est pas alimentée depuis un demi-siècle... ».
C'est bien évident. Et nous posons ici une question clé : « Cette vie au ralenti, comment s'entretient-elle, comment se conserve-t-elle ?... »
Le corps incorrompu de saint André Avellin est conservé dans l'église Saint-Paul de Naples.
Nous étudierons maintenant le cas de Roseline de Villeneuve, née en 1263, vers la fin du règne de saint Louis, morte dans la matinée du 17 janvier 1329, à la Celle-Roubaud, près des Arcs, en Provence.
Pendant plusieurs jours, alors que les fidèles défilaient devant sa dépouille, se produisirent plusieurs cas de guérison spontanée. Cela ne prouve évidemment rien. Mais toutefois, on observa que le cadavre conservait sa souplesse, les yeux leur éclat et leur limpidité, tandis que la corruption ne manifestait aucun de ses symptômes habituels. Enfin, le cadavre fut enseveli dans le petit cimetière de la Celle-Roubaud. Plusieurs mois après cette inhumation, les religieuses de la Celle-Roubaud constatèrent qu'un merveilleux parfum se dégageait de la terre, à l'endroit précis de la sépulture de Roseline.
Le bruit s'en répandit, et le 11 juin 1334, soit cinq années plus tard, on décida d'exhumer le corps pour l'examiner. Quelle ne fut la stupéfaction des assistants lorsque, la terre écartée, le corps de Roseline apparut aussi bien conservé qu'au moment de ses funérailles. Malgré l'humidité de la terre, constamment arrosée par la pluie, aucune trace de décomposition ne souillait la chair intacte. Roseline apparaissait aussi fraîche, aussi rayonnante, aussi pesante que si l'on venait de l'ensevelir ointe de suaves aromates.
Malgré ce séjour de cinq années en terre, les yeux, que la mort éteint ordinairement, conservaient encore leur éclat bleu, et le regard très vif semblait considérer les assistants, stupéfaits autant qu'émerveillés. On retira les yeux de leur orbites et on les déposa dans un reliquaire d'argent. Le corps fut porté triomphalement jusqu'à la chapelle et placé derrière une balustrade, à l'abri des profanations fanatiques de ceux qui auraient tenté d'en distraire une parcelle.
Dix ans après, en 1344, le corps fut transféré sur l'autel, dans une châsse fermée. En 1360, il fut placé dans une châsse aux parois de verre. Pendant le pillage de la Celle-Roubaud (première moitié du XVe siècle), on le dissimula dans un caveau de 1420 a 1450, et lorsqu'on le retira de sa cachette, on le retrouva parfaitement conservé. On le déposa alors dans un cercueil de bois doré qui fut placé dans une châsse.
En 1614, on l'examina et l'on constata qu'il était toujours intact, sans la moindre trace de corruption. Dans une lettre datée du 15 juin 1644, le prieur de Montrieux, cité par Bouche (Histoire de la Provence) et par le Père Sabatier (Sainte Roseline, moniale chartreuse), raconte qu'il put admirer, « à droite du maître-autel, et placée également sur un autel, dans une arche de bois doré relié par des panneaux de verre, la relique de la sainte, dont l'extraordinaire conservation le frappa autant que le visiteur de 1614. On lui présenta également dans leur reliquaire d'argent, à la sacristie, les yeux demeurés étrangement vivants ».
Le 20 octobre 1657, en transférant le corps dans une nouvelle châsse, on constata son merveilleux état de conservation. L'un des bras, parfaitement flexible, put sans difficulté être déplacé de droite à gauche. En 1660, selon le Père Sabatier, et en 1661, selon l'abbé Arnaud, Louis XIV et sa mère Anne d'Autriche vinrent à la Celle-Roubaud admirer l'état du corps, et surtout l'éclat limpide des yeux, restés brillants de vie. Le jeune Louis XIV eut la curiosité de faire examiner ces yeux par son médecin, Antoine Vallot. Pour plaire au jeune souverain, ce médecin enfonça une aiguille en deux points de l'œil gauche : la prunelle se flétrit aussitôt. Ainsi éclata la preuve que les yeux étaient naturels, et cet œil, depuis lors moins brillant que l'autre, porte la trace de cet acte, qu'il est préférable de ne pas juger...
Pendant la Révolution française, le corps échappa à la destruction obligatoire décidée par le Comité de Salut Public. Et le 2 juin 1835, il fut transféré dans une châsse en marbre, comportant un côté en verre.
L'abbé Arnaud, curé des Arcs, raconte (Sainte-Roseline des Arcs, 1887), que l'évêque, Mgr Michel, contrôla lui-même la flexibilité des membres et la fraîcheur des bras. Il commit quatre médecins pour constater l'incorruptibilité du corps, l'éclat des yeux, l'élasticité de la peau et des membres. Et l'abbé Arnaud atteste qu'il nota lui-même que le pied était frais et flexible, la chair s'abaissant et se relevant sous la pression des doigts.
En 1887, on remarqua que des insectes avaient attaqué le corps de la sainte, à l'intérieur de la châsse, et en 1894, que le corps, ainsi atteint, avait souffert de l'humidité. Le chanoine Besson alerta les Chartreux (dont avait dépendu de son vivant Roseline). Ils envoyèrent de Rome des embaumeurs et les chimistes. Jugeant que le lent travail des insectes risquait de détruire le corps, il travaillèrent un mois durant à sa réparation et à son embaumement. Et le 6 juillet 1894, le corps, définitivement embaumé, fut placé dans une nouvelle châsse, hermétiquement fermée, que l'on peut voir aujourd'hui.
Ainsi se termina, comme le note le Dr Larcher, la période de résistance spontanée de ce corps à la corruption, résistance qui avait duré cinq cent soixante-cinq ans. Car depuis cet embaumement, il semble que les travaux des chimistes aient précipité la dessiccation et le noircissement du cadavre (examen du 3 septembre 1951). Comme le note avec sagacité le Dr Larcher, cette action des agents corrupteurs sur les deux reliques séparées, celle du corps et celle des yeux, au bout d'un même long laps de temps (565 ans) apporte la preuve irrécusable de la corruptibilité de cette chair, dont l'incorruption, pendant près de six cents ans, ne pouvait donc pas relever d'une dénaturation.
Nous compléterons l'observation sagace du Dr Larcher. En effet, le corps charnel était parfaitement corruptible par lui-même, puisqu'un jour, en des lieux et en des contenants séparés, le corps et les yeux ont commencé à s'altérer en même temps.
Nous ajouterons, aux exemples précis et détaillés qui précèdent, les noms de tous ces saints et saintes qui furent retrouvés, comme l'exige la tradition de l'Eglise en pareil cas lors du procès en canonisation, parfaitement conservés. Ce sont :
François d'Assise - Antoine de Patioue - Laurent Justinien - Philippe d'Aqueno - saint Martin - Hugues de Lincoln - Catherine de Molognc - Marie d'Oignies - Madeleine de Pazzi - sainte Lidvine -Mmic Jeanne de Tours - Antoinette de Florence - Rosé de Lima - Catherine de Sienne - sainte Lutgarde - Colombe de Rieti - Dominique de Paradi d'Oringa - Bernadette Soubirous...
Il en est bien d'autres, on s'en doute. Et nous arrêtons cette liste afin de limiter nos propres recherches et de ne pas fatiguer le lecteur. (voir le livre intégral cité). Mais un bon recensement est dû à une Américaine, Joan Cruz, qui a souhaité compléter les travaux du père Thurston à l’aide de toutes les sources ecclésiastiques connues.
Dans un ouvrage, publié en 1977, intitulé The Incorruptibles, elle énumère 102 cas authentifiés par la Congrégation des rites de l’Eglise catholique romaine... Mais, il est probable, ajoute-t-elle, qu’il en existe bien d’autres qui n’ont jamais été rendus publics par le Vatican.
Un exemple de ces « miracles » est celui de Maria Anna Ladroni qui mourut à Madrid en 1624.
107 ans plus tard, sa dépouille mortelle fut exhumée sur l’ordre des autorités religieuses lors de son procès de béatification. Voilà quelles furent les conclusions de l’époque :
« Il n’y eut pas moins de 11 docteurs et chirurgiens pour procéder à l’examen de la dépouille. Ils ont pratiqué, à l’aide de leurs instruments, diverses incisions sur le cadavre. Toutes les recherches aboutirent à une dissection quasi complète du corps : les viscères, les organes et les tissus apparurent dans un parfait état de conservation, encore humides, fermes et élastiques au toucher. Le cadavre était imprégné d’une sorte de fluide odorant, qui répandait des effluves persistants. »
Saint Charbel, sainte Catherine de Bologne ou saint Pacifique de Cerano ont été inhumés directement dans la terre et l’on n’a constaté aucune dégradation de leurs cadavres.
D’autres sont restés intactes dans un sol humide alors que leurs vêtements se désagrégeaient sur leur chair intacte. C’est le cas de sainte Thérèse d’Avila et sainte Catherine de Gênes.
Quand le corps de sainte Catherine Labouré fut exhumé en 1933, 57 ans après sa mort, on trouva son corps intact bien que le triple cercueil ait été rongé par la moisissure.
Thérèse Marguerite, morte en 1770. Desséché, son corps ne présente aucune putréfaction. C'est d'autant plus étonnant qu'elle est morte d'une gangrène généralisée ( © Mary Evans Picture Library)
Quittons maintenant les saints et les saintes, ou supposés tels, et revenons aux cas plus ordinaires de conservations de cadavres.
Nous observons tout d'abord que l'explication la plus commune par laquelle les rationalistes tentent de rendre compte de ces états absolument anormaux, est celle selon laquelle, le sol, « la terre », posséderaient des qualités particulières, propres à conserver les cadavres, notamment dans l'hypothèse où joueraient des microclimats.
Les Commissaires Impériaux délégués par l'empereur d'Autriche qui se rendirent dans le canton de Medreïga, en Hongrie, firent ouvrir quarante tombes, et l'on ne trouva que dans dix-sept d'entre elles des cadavres conservés. Si la terre du cimetière avait possédé une vertu particulière, elle aurait agi sur les quarante personnes inhumées là, et pas seulement sur celles déjà suspectées.
Mais que dire de cette prétendue vertu mystérieuse de certains sols, lorsque nous constatons que le cadavre qui est ainsi enterré, n'a absolument aucun contact avec la-dite terre ? La jeune Romaine qui fut découverte sous la Voie Appienne, en 1485, à Rome, se trouvait depuis dix-huit siècles dans un sarcophage de marbre. Saint François-Xavier n'avait pas été inhumé dans la terre, mais dans une caisse de bois remplie de chaux vive, et demeurée à l'air libre.
Les cas que nous allons maintenant examiner vont faire justice de cette pseudo-explication par la terre, conservatrice de certains et très rares cadavres, mais pas des autres...
Nous tenons de Mme Henriette C..., qui géra durant plusieurs années le Bureau des Pompes Funèbres à Brive, le récit suivant :
M. Soulier, chef-fossoyeur au cimetière de cette ville, lui raconta, vers 1932, que plusieurs années auparavant il avait été amené à procéder, en présence des autorités habituelles, à l'exhumation générale d'une partie ancienne du cimetière de Brive. Il s'agissait de tombes extrêmement vieilles et, les concessions centenaires étant révolues, on devait reprendre le terrain pour de nouvelles. Avec son équipe, il procéda au retournement de ces sépultures. La plupart des grilles avaient disparu, rongées par la rouille. Les pierres tombales, couvertes de mousse, où les noms s'étaient peu à peu effacés, devaient aller à un dépôt général, dans un coin du cimetière. Les os récupérés étaient, selon l'usage, incorporés à la terre.
La fouille continuait. Jusque-là, on n'avait rencontré que des débris de cercueils, des os tombant en poussière, des fragments de crânes, des mâchoires, des ferrures rongées de rouille. Soudain, les ouvriers sursautèrent. Lentement, ils dégagèrent et mirent peu à peu au jour le corps d'une jeune fille, revêtu d'une jolie robe blanche. Le cadavre était intact, souple, les membres étaient légèrement tièdes, les yeux grands ouverts, la jeune fille souriait. Toutes les apparences de la vie, le brillant du regard, le rosé des joues, auraient pu faire croire que cette jeune morte venait d'être déposée dans cette fosse. Il n'en était rien, sa tombe, comme celles des autres, était plus que centenaire, mais alors qu'il ne demeurait à peu près rien de ses voisins, elle était demeurée intacte, et ses vêtements également. Attribuera-t-on à la terre cette mystérieuse vertu de conservation ?
Ne pouvant détruire légalement ce corps conservé de façon aussi anormale, les assistants étant déjà tout prêts à y voir la dépouille d'une sainte ignorée, M. Soulier demanda au Commissaire de police, présent, et aux Autorités administratives qui assistaient à cette exhumation générale, la permission de réinhumer la jeune fille. Afin de lui éviter le risque d'une autre mise au jour, on décida de l'enterrer sous une allée, ce qui supprimait toute possibilité d'exhumation future. Les fossoyeurs lui creusèrent donc une nouvelle sépulture, sous une des allées du cimetière de Brive, et la jeune fille continue d'y dormir, de son étrange et inquiétant sommeil.
Voici maintenant un autre cas, plus récent, dans lequel, là encore, la conservation d'un cadavre n'est pas attribuable aux qualités de la terre.
Le célèbre poète et romancier italien Alessandro Manzoni, auteur des Fiancés, né en 1785 à Milan, mort en cette même ville en 1873, y avait été inhumé au cimetière dit «monumental». En novembre 1959, des ouvriers furent chargés de déplacer, à l'aide d'une immense grue, la masse de granit de vingt-cinq quintaux, composant son tombeau. Cette opération ne put être réalisée qu'en deux temps. Il fut d'abord nécessaire de soulever la partie supérieure du tombeau.
C'est alors qu'on aperçut le cercueil vitré du poète, et que l'on constata que le corps était parfaitement conservé. Les cheveux étaient bien peignés, le visage, toujours orné de ses favoris blancs, conservait une expression ironique. Les mains, demeurées serrées sur un chapelet, reposaient sur la veste noire également en parfait état puisqu'elle avait gardé ses rebords de velours, et l'on apercevait, sous cette veste, le gilet brodé et la lavallière en satin. Le visage frappait par son extraordinaire aspect de fraîcheur.
Les Pères Jésuites milanais demandèrent aussitôt que la dépouille de Manzoni fût transportée dans leur église de la place San-Fedele, d'autant plus que le procès de béatication du "serviteur de Dieu" Manzoni occupait actuellement la Cour de Rome.
La Municipalité de Milan se contenta de décider que le corps serait exposé durant quelque temps, en son cercueil de verre, en particulier à l'occasion du Congrès Mondial du Romantisme, qui devait se tenir prochainement à Milan.
Toutefois, cette nouvelle de la découverte du corps intact de Manzoni, effectuée en novembre 1959, ne parvint à la presse étrangère qu'en mars 1960, soit quatre mois après. Il est indéniable que des interventions supérieures avaient eu lieu à son sujet. Et le journal Le Figaro put annoncer, en son numéro du 15 mars 1960, que la Congrégation des Rites avait déclaré n'avoir : « aucune nouvelle d'un procès en béatification du célèbre écrivain Manzoni, dont le corps exhumé au cimetière de Milan au cours d'un travail de réfection, a été trouvé absolument intact... » On ajoutait que Manzoni aurait été suspect de sympathie pour le jansénisme...
Là encore, dira-t-on que cette dépouille, enfermée dans un cercueil vitré, dans un monument de granit pesant deux mille cinq cents kilogrammes, devait sa parfaite conservation à une terre qui n'avait absolument aucun contact avec elle ?
Mais voici mieux encore.
Le journal France-Soir recevait de Londres, par câble spécial du 10 mai, la nouvelle suivante qu'il publia le 11 mai 1960 :
« Un chauffeur de taxi, M. Leslie Narvey, eut le choc de sa vie lorsqu'il prit possession d'un petit appartement qu'il venait de louer à West Kinmel Street, à Rhyl, dans le Pays de Galles. Il l'avait obtenu sans reprise et avait seulement promis à son propriétaire de le repeindre. C'était une bonne affaire, car M. Narvey pensait remettre lui-même l'appartement en état. Dimanche dernier, armé de son seul courage, de ses pinceaux, et de ses pots de peinture, il se mit à l'ouvrage. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, après avoir commencé par une des chambres à coucher du premier étage, il voulut repeindre l'intérieur d'un placard. En l'ouvrant, il découvrit le cadavre d'une femme, habillée d'un peignoir à fleurs, et d'un pyjama rosé. Elle paraissait dormir paisiblement. Elle semblait âgée d'une cinquantaine d'années, et se tenait droite contre la paroi du placard.
Le premier moment de frayeur passé, le chauffeur de taxi avertit la police.
L'appartement n'avait pas été occupé depuis vingt ans (1940). Aussi, les inspecteurs puis les médecins légistes estimèrent-ils que le cadavre, dans un parfait état de conservation, était là depuis vingt ans. La police songea aussitôt à un suicide. Mais, pour éviter toute erreur, le cadavre fut envoyé aux fins d'autopsie. Si I'autopsie révèle que la femme, qui a été identifiée comme une certaine Mme Frances Alice Knight, a été assassinée, la police de Rhyl pourrait demander au Ministère de l'Intérieur l'autorisation d'exhumer quatre autres personnes mortes vers septembre 1940, tout comme Mme Knight, dans des circonstances mystérieuses.
Selon le premier examen du médecin légiste, le cadavre retrouvé dans le placard s'y serait momifié par manque d'air. En effet, le placard était fermé hermétiquement. »
Nous ferons tout d'abord observer qu'on ne nous dit pas que le cadavre se serait momifié, mais qu'il était « dans un parfait état de conservation ». Qui a eu l'occasion de contempler des momies, lorsqu'on leur a retiré les bandelettes, ne fera jamais la confusion entre ces corps vidés de leurs viscères, desséchés, racornis comme du vieux cuir, avec un corps humain en parfait état de conservation !
Quant au manque d'air, agent très inattendu de cette incorruptibilité, il est le même dans un cercueil, avec cette différence que le placard était certainement moins bien fermé, malgré tout, qu'un cercueil vissé hermétiquement, et que, certainement plus grand qu'une bière, il contenait plus d'air. Cependant, dans les cercueils, les morts se décomposent très vite. L'expérience générale le prouve sans conteste.
Là, ce n'est plus la terre, c'est le manque d'air qui est facteur d'incorruptibilité ! Nous dira-t-on que le meurtrier avait fait le vide absolu dans ce placard ?
La dernière anecdote que nous allons rapporter ébranle considérablement la théorie de la terre conservatrice des cadavres, souvent inacceptable.
Le 22 juillet 1934 décédait, à l'hôpital d'Annecy (Savoie), l'archiprêtre Alexis Medvekov, supérieur de l'ancienne église russe d'Ugine. Né le 1er juillet 1867 en Russie (12 juillet en style grégorien), il avait émigré en divers pays d'Europe, avant de se fixer en cette ville.
Il mourait d'un cancer intestinal, après une opération inutile, et comme cette terrible maladie accélère la décomposition des chairs que la chaleur de juillet était déjà susceptible d'aggraver, les chirurgiens demandèrent que la mise en bière et l'inhumation fussent faites rapidement. L'archiprêtre fut donc enterré au cimetière d'Ugine, et vingt-trois ans s'écoulèrent.
En 1956, le cimetière d'Ugine fut désaffecté, et on dut procéder à l'exhumation d'Alexis Medvekov. Les fossoyeurs retirèrent d'abord un premier cercueil, puis un second, immédiatement au-dessus du sien. Les deux bières étaient pourries, et seuls des ossements en désordre furent retirés de chacune d'elles.
Enfin, les ouvriers atteignirent un troisième cercueil demeuré intact, celui d'Alexis Medvekov. Soudain saisis d'une sorte de crainte ou de respect, ils posèrent leurs pioches et leurs pelles et terminèrent le dégagement de la bière avec leurs mains.
En présence des Autorités administratives habituelles, du Commissaire de police, des Autorités religieuses orthodoxes, notamment de l'évêque, on ouvrit le cercueil. Alors, Alexis Medvekov apparut, le visage vermeil, absolument intact, souple, ses vêtements sacerdotaux en parfait état. On lui toucha la main, elle était tiède.
Celui que les chirurgiens de l'hôpital d'Annecy croyaient déjà en cours de décomposition quelques heures après sa mort, celui-là était demeuré, après son transfert et son inhumation à Ugine, en dépit des chaleurs de juillet 1934, dans le même état d'incorruption que de son vivant.
Cependant, deux cercueils, avec leurs occupants, avaient ensuite été inhumés au-dessus de lui. Ceux-là avaient été retrouvés totalement pourris. Dira-t-on que la terre n'avait pas eu les mêmes égards pour eux que pour l'archiprêtre Alexis Medvekov ?
On le transporta alors au nouveau cimetière d'Ugine. La chose s'étant sue, l'administration diocésaine de l'Église russe en Europe occidentale, sise 12, rue Daru, à Paris, décida de le transférer d'Ugine au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois. On l'exhuma donc une nouvelle fois en 1957. Il fut, là encore, retrouvé dans le même état : visage vermeil, membres souples, tièdes, vêtements sacerdotaux absolument intacts. Il y avait vingt-trois ans qu'il était mort, vingt-trois ans qu'il aurait dû se réduire en débris funèbres, aux dires des chirurgiens de l'hôpital d'Annecy...
A la fin du XIXe siècle, le père Herbert Thurston fit la première étude sérieuse des cas d’incorruptibilité. Il nota que les corps six phénomènes caractéristiques mais pas forcement simultanés:
- La présence d’un parfum suave émanant du corps
- L’absence de rigidité cadavérique
- La persistance d’une certaine tiédeur du cadavre
- L’absence de putréfaction
- Parfois, des saignements anormaux
- Parfois, la constatation post mortem d’étranges mouvements du cadavre qui ne sont pas attribués à des contractions musculaires mécaniques
Si l’on écarte l’idée d’un miracle divin, quelles sont les autres hypothèses susceptibles d’expliquer cet étrange phénomène ?
La première hypothèse est bien sûr l’embaument préalable du corps. Mais, un embaument est simple à déceler lors des examens post mortem. Dans les cas qui nous préoccupent, aucune trace d’une substance quelconque ayant pu stopper la décomposition n’a été découverte.
L’incorruptibilité ne peut être vraiment prouvée que lors de la première exhumation. En effet, les organes de certains saints ont été prélevés après coup pour être utilisés comme reliques sacrées.
Joan Cruz distingue trois types d’incorruptibilité physique :
- Les corps volontairement conservés par embaumement ou toute autre technique (momies)
- Les corps préservés accidentellement ou grâce à des techniques naturelles (momies naturelles)
- Les cas d’incorruptibilité authentiques et non expliqués par la science
On a émis quelques hypothèses :
- Extrême sécheresse de l’air et absence de poussière. C’est le cas de la nécropole de Kiev
- Rôle possible des radiations mais qui reste valable que dans quelques cas...
Il existe également un phénomène appelé « saponification » qui est la transformation des tissus humains en une masse ammoniacale savonneuse tandis que l’épiderme se durcit. Cette substance saponifiée est dite « gras de cadavre » ou « adipocire ».
On observe ce phénomène chez des cadavres inhumés dans des terrains marécageux putrides. On ignore pourquoi il intervient dans certains cas et pas dans d’autres. La saponification, qui est une forme particulière de décomposition des lipides, n’est pas courante mais pas non plus exceptionnelle. Ce phénomène n’est pas considéré comme miraculeux par les autorités ecclésiastiques.
La véritable incorruptibilité est très différente. Pour des raisons inconnues, un corps reste intact tandis que d’autres, à ses côtés, se décomposent.
Il faut préciser que ce « miracle » n’est pas suffisant à lui seul pour obtenir la béatification, sauf pour l’Eglise orthodoxe russe.
Il est important de souligner que ce phénomène se rencontre dans la plupart des religions et que c’est également un thème important de l’inconscient collectif.
Il existe des similitudes entre les divers cas d’incorruptibilité authentique qui sont très rares, rappelons-le.
La science ne peut l’expliquer actuellement. Il est vrai que ce phénomène a laissé la communauté scientifique étrangement indifférente...
Des fouilles archéologiques menées à Rennes, ont permis de découvrir la dépouille extrêmement bien conservée d'une noble femme décédée en 1656. Le 17 mars 2014, soit dix mois après la fin de leurs prélèvements sur le site, les archéologues de l'Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) parviennent à ouvrir l'intrigante boîte. « On a très vite compris qu'on était face à quelque chose d'extraordinaire, se souvient Rozenn Colleter, anthropologue. Ce n'était pas une momie, pas Ramsès. Mais le tissu, les chaussures, le corps étaient dans un état de conservation exceptionnel ». Fabrice Dedouit, radiologue et médecin légiste, le réceptionne et le passe au scalpel, après l'avoir délicatement libéré de ses vêtements. « Certains cadavres vieux de deux semaines sont bien plus abîmés », assure ce Normand, qui réalise un scanner en complément. « On a pu voir ses méninges, sa moelle épinière et nous avons rapidement retracé sa vie médicale ». Son cholestérol, ses calculs rénaux, son crâne légèrement déformé par le port répété d'un bandeau.
La dépouille mesure 1,45 m et chausse du 35. C'est une femme. Enserrée dans une cape blanche, elle dépouille tient un crucifix dans le creux de ses mains. Chasuble, robe de bure, suaire sur le visage, bonnets et coiffe sur la tête, mules aux pieds, elle a tout d'une religieuse. Les historiens vont corriger cette première impression, grâce à un indice retrouvé tout près du cercueil. La petite femme a été enterrée avec le reliquaire d'un coeur. Est-ce le sien qui est dedans ? Non, c'est celui d'un chevalier, Toussaint de Perrien, décédé en 1649. Son époux. Grâce aux archives, l'inconnue a désormais un nom : Louise de Quengo, dame de Brefeillac, morte en 1656, un an après l'ouverture du nouveau palais du Parlement de Bretagne, à Rennes... (extraits ouest-france.fr, voir lien ci-dessous et vidéo).
Rennes : le corps de Louise de Quengo, dans un état exceptionnel 358 ans après sa mort
Couvent des Jacobins - Fouilles archéologiques - Inrap
Sources, références : Robert Amberlain, Le Vampirisme, 1977, Ed. Robert Laffont (extraits)
http://www.dinosoria.com/incorruptibilite.htm
http://www.persee.fr/doc/rhren_1771-1347_2012_num_75_1_3187
http://hodiemecum.hautetfort.com/index-56.html
https://www.ouest-france.fr/culture/insolite-morte-en-1656-louise-est-incroyablement-conservee-3449840
http://www.mystere-tv.com/le-mystere-des-corps-reputes-incorruptibles-v660.html (vidéo)
Yves Herbo, Sciences-Faits-Histoires, https://herboyves.blogspot.com/, 15-10-2017