Comme indiqué dans la publication Proceedings of the Geologist association, ce ne sont que 29 traces de pas, mais ils sont attribués à un homininé (c'est-à-dire un grand ancêtre des humains) plus jeune que Toumaï, mais bien plus vieux que les australopithèques. " Cette recherche prête à controverse, parce qu'elle suggère que les premiers ancêtres des humains vivaient dans le sud de l'Europe aussi bien qu'en Afrique de l'est " conviennent deux des auteurs, Matthew Robert Bennett, professeur de géographie environnementale à l'Université de Bournemouth (Grande Bretagne) et Per Ahlberg, professeur de biologie évolutionnaire à l'Université d'Uppsala (Suède), qui sont d'accord avec les découvreurs et auteurs principaux Gerard D. Gierlinski, paléontologue polonais et son collègue Grzegorz Niedzwiedzki.
De gauche à droite: des empreintes de pas fossiles, leur vue après un scanner de surface et leur dessin interprété en couleurs.
Crédit:PGA
Ces traces de pas ont deux millions d'années de plus que celles de Laetoli, en Tanzanie, jusqu'alors les plus anciennes du même genre reconnues officiellement au monde. Elles auraient été faites par " quelqu'un marchant debout sur ses jambes " et chaussant du 35 maximum, puisqu'elles mesurent entre 9,4 cm et 22,3 cm. Leur forme seraient très similaires à celles des humains. "Les autres primates laissent des empreintes très différentes, leur pied ressemble plus à une main, avec un gros orteil écarté comme un pouce", soulignent les auteurs. Dépourvues de griffes, ces pieds seraient également dotés de coussinets proches de ceux des plantes des pieds humains.
Contestables ou non par d'autres spécialistes, ces traces ont été laissées sur une bande de sable, à proximité de l'ancien lit d'une rivière. Leur datation a été faite à partir de l'analyse de foraminifères, des micro-organismes marins fossiles dont l'évolution très rapide au cours de leur existence, au cours du temps, donne de bons jalons aux préhistoriens et biogéographes. Or, il y a 5,6 millions d'années, la Méditerranée s'est entièrement asséchée. Cet événement extraordinaire, du à la fermeture totale du détroit de Gibraltar par un choc entre les plaques africaine et européenne, a laissé des sédiments faciles à interpréter. (à noter que cet événement de fermeture et assèchement va probablement se reproduire dans le futur car la plaque africaine, et en particulier son socle continental au niveau de Gibraltar, après avoir donc "rebondi" contre celle d'Asie-Europe, se rapproche à nouveau depuis quelques millions d'années et continue de s'enfoncer en-dessous et une bonne partie de la Méditerranée...).
La grande majorité des scientifiques spécialistes du sujet pensent pouvoir situer le berceau de l'humanité en Afrique, là où ont été faites les plus anciennes ou spectaculaires découvertes, de Toumaï aux premiers Homo (même la plus ancienne présence semble maintenant être située... aux bords de la Méditerranée (Maroc, Israel...) pour Homo Sapiens Sapiens, en passant par Orrorin, Ardipithecus ou encore les australopithèques et autres Paranthropus. Mais si la découverte se confirme, il faudra au minimum admettre que des homininés arpentaient également les pourtours de la méditerranée il y a 5,7 millions d'années.
Les plus anciens fossiles ou traces de préhumains connus sont Sahelanthropus alias Toumaï (-7 millions d'années) et Orrorin (-6 Ma) auquel s'ajoute l'anomalie (car plus ancien que les fossiles africains !) Graecopithecus (-7,2 Ma), un primate qui vient d'être reclassifié en homininé grâce à de nouvelles découvertes. Les traces de pas de Trachilos en Crète ont -5,7 millions d'années. Ardipithecus Kaddaba a environ le même âge. Les traces de pas de Laeotoli ont seulement 3,8 millions d'années et sont attribuées à des Australopithecus (comme la célèbre Lucie, qui n'est plus considérée comme un ancêtre de l'homme). Crédit GPA.
Nous sommes donc au Miocène tardif, le désert du Sahara n'existait pas encore, des environnements de savanes vertes s'étendaient du nord de l'Afrique à l'est de la Méditerranée. De plus, la Crète n'était pas encore détachée de la Grèce. Une grande dépression asséchée, comme visible de nos jour en Afrique au niveau du Rift, et nommée "la dépression de l'Afar" (d'une superficie approximative de 4 000 km2 (100 km × 40 km) pour sa partie sous le niveau global des océans (jusqu'à -155 mètres sous le niveau de la mer !)), existait donc au niveau de toute la Méditerranée. " Dans ces conditions, il n'est pas difficile d'imaginer que les premiers homininés avaient une aire de distribution à travers tout le sud de l'Europe et toute l'Afrique et qu'ils ont pu laisser leurs empreintes sur un rivage méditerranéen " , (devenu boueux ou marécageux avec un lent processus d'assèchement), souligne Matthew Robert Bennett.
Dépôts de la section Trachilos. (a, b) Partie inférieure de la section, en-dessous de l'horizon de la piste. (a) Une partie du profil avec des conglomérats, des calcaires, des calcaires limoneux et des grès calcaires avec des éléments squelettiques-fossiles. (b) Une partie du profil avec un horizon conglomératique épais et non trié, représentant probablement une tsunamite. (c) Grès calcaire présentant des ondulations aux crêtes ridées, indiquant des eaux très peu profondes, à environ 50 cm en-dessous de l'horizon de la piste. (d) surfaces d'empreinte A et B2. (e, f) Grès calcaire et conglomérats avec des horizons de type brèche de la partie supérieure de la section, au-dessus de l'horizon de la piste
Reste une question : qui a laissé ces empreintes ? On savait déjà que des singes fossiles vivaient au Miocène dans cette région du monde. Mais pourrait-il vraiment s'agir d'un homininé, d'un préhumain ? Une étude vient donner un peu de crédit à l'hypothèse. Par une bienheureuse coïncidence, au début de l'année 2017, des chercheurs allemands, grecs et bulgares ont en effet réexaminé les restes d'un primate de Grèce et de Bulgarie, le Graecopithecus, vieux de – 7,2 millions d'années et… conclu qu'il s'agissait bien d'un homininé, le premier connu hors d'Afrique. Leur analyse, reposant sur une mâchoire et une dent, a été très critiquée (mais repose tout de même sur des découverte faites en plusieurs endroits !). Mais pour les découvreurs des traces de Crète, ce bonhomme fossile surnommé "El Graeco" ou plutôt l'un de ses descendants, pourrait être le promeneur de Trachilos... Déjà, des chercheurs n'hésitent pas à supposer que, soit le genre "Homo" est sorti d'Afrique bien longtemps avant les dates estimées jusqu'à présent (bien avant Homo erectus donc), soit même, une deuxième branche serait apparue et aurait évolué hors d'Afrique... car, alors que ces empreintes montrent des orteils plus "modernes" avec un pouce collé aux orteils comme les hommes, elles sont plus vieilles que des pieds fossiles plus récents africains et rattachés tout de même au genre Hominine...
En ce qui concerne les "classifications" hominoïdes, homininés, hominidés, c'est très complexe... et très évolutif ! Lisez cet article, vous comprendrez les erreurs des journalistes et même de certains scientifiques ! : https://planet-vie.ens.fr/content/hominoides-hominides-hominines
PHOTOS : ANDRZEJ BOCZAROWSKI/PGA
Sources : https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/des-traces-de-pas-d-hominines-vieilles-de-5-7-millions-d-annees-decouvertes-en-crete_116017
http://www.repubblica.it/scienze/2017/09/03/news/orme_umane_su_creta_5_7_milioni_di_anni_fa-174544294/#gallery-slider=174545145
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001678781730113X
Articles en liaison : http://www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/datation-du-plus-ancien-hominide-trouve-en-turquie-a-ce-jour.html
www.sciences-faits-histoires.com/blog/archeologie/origine-de-l-homme-un-chainon-manquant-trouve-en-europe.html
www.sciences-faits-histoires.com/blog/preuves-autre-histoire/recentes-decouvertes-historiques.html
Yves Herbo et Traductions, Sciences-Faits-Histoires, 07-09-2017